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-395 « Tout étant disposé de la sorte , notre chanoine envoya l'urne au Grand Collège des Jésuites par un p a y s a n , à qui il avait bien fait la leçon. Le paysan se présente au P. de Colonia, lequel fai- sait aussi le métier d'antiquaire; m a i s , sans s'y entendre beau- coup, du moins à ce que prétendaient ses rivaux. Il produit son u r n e ; le P. de Colonia examine, fouille les cendres, lit et relit l'inscription, admire, interroge l ' h o m m e , demande le prix. Le paysan répond à tout simplement, et met à l'urne un prix assez fort. L e P è r e se récrie et marchande; le paysan nomme M.Laynez, autre antiquaire , alors directeur de la Monnaie , un chanoine de Ste Geneviève , qu'on lui a indiqué , et qui sûrement l'achèterait ; il fait mine de se retirer ; le bon jésuite le retient, et après quel- ques petites difficultés , il conclut le marché et p a y e , trop heu- reux de leur enlever un monument de cette rareté. « Possesseur de ce trésor littéraire , il en parle , il le fait voir à toutle^monde. Je ne sais s'il ne s'empressa pas de le publier dans les journaux, particulièrement dans celui de sa société, le Journal de Trévoux. D'autre p a r t , chacun se disait le mystère à l'oreille. On riait sous c a p e , et il était, sans le savoir, la fable de l'armée. Cependant, un secret confié à tant de personnes , cessa d'être un secret pour l e P . de Colonia m ê m e e t les jésuites : on en parla, on en rit publiquement. Enfin, on se tut; et la pièce est demeurée dans le cabinet du collège, où je vois qu'ils ont continué de la donner pour antique en toutes ces parties. « Si j'étais à Lyon, messieurs , je trouverais peut-être vingt té- moins du fait que j'ai l'honneur de vous attester : en voici trois bien dignes de foi ; à Lyon , M. le président de Fleurieu; à Paris, M. l'abbé Grimod, célèbre antiquaire et censeur royal, M. de Billy... Je pourrais ajouter M. le bailli de St-Simon , qui passa à Lyon vers ce t e m p s - l à , et qui d'ailleurs, en a entendu plus d'une fois le récit de la bouche de l'interpolateur. Je pourrais citer M. l'abbé Beraud, ci-devant jésuite, qui a eu la garde du cabinet d'antiquités de ce collège, et qui serait incapable de dissimuler cette aventure contemporaine, s'il ne l'a pas absolument ignorée. En un m o t , j'appellerais en témoignage , s'il était nécessaire, la maison de Sle-Geneviève , où la tradition s'en sera mieux conser- vée que parmi les jésuites aujourd'hui dispersés.