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302 Religion, moi qui suis dans la carrière de la finance. Comme ce n'est point la passion de la fortune qui m'y a conduit, j'y con- serve loujours m a première passion pour la poésie, mon ancienne maîtresse. J'ai peu de temps à lui donner. Il faut que je me dé- robe à des occupations fatigantes et continuelles, pour goûter avec elle quelques momens agréables, mais très-courts, et dont je dois même faire un très-grand mystère , parce qu'on pourrait m'en faire un très-grand crime. Ce sont peut-être toutes ces diffi- cultés qui rendent ma passion pour elle plus constante et plus vive. « Le poème dont M. Brossette vous a rendu compte est sur un sujet qui ne m'attirera pas la foule des lecteurs. Je dois prendre pour ma devise ces mots d'Horace : conlentus paucis lecloribus. Ce serait un lecteur tel que vous qu'il faudrait m é r i t e r , pour avoir lieu d'être parfaitement content. « Je suis , monsieur , etc. » (1) Au sujet de cette lettre , Rousseau écrivait à Brossette, du châ- teau d'Heverle, le 28 octobre 1731 : « On m'a envoyé de Bruxelles la lettre que vous m'avez fait l'hon- neur de m'écrire, du 12 de ce mois , en m'envoyant celle dont M. Racine a bien voulu m'honorer, et dont vous trouverez ici la ré- p o n s e , que je vous supplie de vouloir bien lui faire remettre. Quoique j'eusse déjà vu , pour ainsi d i r e , dans ses vers sur la Grâce, l'échantillon de ceux qu'il a faits sur la Religion , j'ai été bien aise d'en pouvoir juger précisément, sur les morceaux que vous avez pris la peine de me transcrire. Ils sont parfaitement beaux et dignes de leurs aînés. J e ne puis vous cacher, néan- moins , que j'y ai été choqué de la rime de canaux avec rameaux, et de celle de merveilleux avec industrieux, que je vous prie de lui faire observer comme de vous-même , sans lui dire que la critique vient de moi. Ces mots ne riment absolument p o i n t , et on les passera encore moins dans un bon ouvrage, que dans un ou- vrage médiocre. Ce serait d o m m a g e , qu'ayant été aussi exact et aussi pur dans son premier p o è m e , il ne soutînt pas dans le second cette exactitude, à laquelle tous nos grands poètes ont toujours été scrupuleusement attachés. La rime est aussi essen- (2) Lettres de Rousseau, tom. III, pag. 195.