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293 îe petit commerce, les prolétaires ou travailleurs ; se subdivisant elles-mêmes en fractions plus ou moins diverses, plus ou moins nuancées. Je vais tâcher de rendre la physionomie particulière à chacune d'elles. La noblesse n'a en réalité de noblesse que le nom, A l'exception d'une ou deux familles, toutes les antres ne peuvent revendiquer qu'une origine des plus roturières. Il ne faut remonter ni bien haut ni bien loin pour en trouver la source. La rue Trois-Carreaux ou tel autre quartier du commerce a vu croître et naître l'arbre généa- logique. Ses racines ont poussé dans une caisse, arrosée par les bénéfices du négoce, et chaque année l'arbre a étendu ses rameaux chargés de fruits argentins. La fortune, une fois faite, a été réalisée en biens ruraux ; on a dépouillé, avec le costume du magasin, la signature sociale., pour prendre un nom de terre plus aristocratique ; enfin on s'est logé dans un hôtel de Belle- cour, qui, peuplé de valets en livrées, d'équipages fastueux, a^ fait oublier bien vite les comptoirs enfumés et obscurs. Aujourd'hui surtout que les choses extérieures servent de pas- se-port, et que par un habit, un chapeau, une livrée s une voi- ture , par une interrogation des surfaces, l'on vous estime et l'on vous pèse, rien n'est plus facile de quitter le costume de Mascarille pour revêtir celui du maître. L'habit répond de l'homme qui le porte : aussi la noblesse qui s'efforce de sin- ger à Bellecour le faubourg Saint-Germain, jouit-elle sans con- testation des privilèges innocens qu'elle s'est arrogée. Nul ne s'avise de passer au creuset ses blasons de fraîche date; nul ne lui rappelle le noviciat de fortune qu'elle accomplit jadis dans quelqu'une des sales rues de Lyon. Je ne veux pas moi-même mettre en jeu plus long-temps la quiétude de sa possession- La noblesse donc, puisque noblesse il y a, habite presque exclusivement Bellecour. Au fait, c'est le seul quartier de Lyon où il y ait un peu d'air, où l'on ne soit pas poursuivi par le bruit des sonnettes de magasin, et où la fourmillière des travailleurs ne trace pas perpétuellement son sillon. On y tronve de grandes et belles*rues, bien droites, bien alignées, des maisons neuves , des quartiers vastes et peu populeux, du repos, du calme, enfin c'est Versailles dans Paris.