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221 — Et sur q u o i , s'il vous plaît, fonde4-elle ce grand courroux? — C'est que la truite de M. Dumas est aussi vraie que son beefteack d'ours. — Pas possible! — V o u s allez coucher ce soir à Bex et vous y saurez ce qu'il en est. Mais je crois devoir Vous avertir que M me Dhure est moins patiente que moi et qu'elle n'a jamais su entendre la plaisanterie. Comme nous étions l à , arriva le dîner. Je me mis en devoir d'y faire h o n n e u r : M. M voulut bien me tenir c o m p a g n i e , sans consentir pourtant à le partager. J'achevais à peine mon potage, quand la porte s'ouvrit tout-à - coup; c'était mon abbé du matin. Je me levai; nous nous serrâ- mes tendrement la main. J'avais fait sa conquête et il avait fait la mienne. Ses traits étaient empreints d'une candeur indicible, son esprit était orné et il n'avait contre lui que cette extrême b o n n e foi, qui est parfois un défaut et qui faisait dire à un philosophe anglais, qu'il est dangereux de posséder la candeur de la colombe quand on ne possède pas aussi quelque chose de la finesse du serpent. Il s'adressa à M. M.... qui était resté d e b o u t , tandis que je re- prenais ma position de dîneur. —-M. le maître d'hôtel, lui dit-il, d'une voix douce et lente , est-ce encore là un beefteack d'ours? et il désignait du doigt le filet de bœuf que je venais d'attaquer. M. M , mit son chapeau sur sa t ê t e , l'enfonça fortement et sortit sans répondre un seul mot. Le pauvre abbé le suivit des yeux ; puis il me regarda la bouche ouverte. — A qui donc en a ce monsieur, murmura-t-il timide- ment. — Prenez un siège, mon cher abbé , je t vous conterai cela après d î n e r , hors de l'hôtel; mais ici, je vous en p r i é , pendant que j'y suis, au moins, pas un mot de Guillaume M o n a , et de son o u r s . — A h !... fit le jeune ecclésiastique.—Bon appétit et Dieu vous soit en aide , s'écria tout-à -coup un nouvel interlocu- teur , qui s'avançait vers moi d'un pas déterminé et frappant gaî- m e n t l e parquet de son bâton ferré : Servez chaud et buvez frais! ce sont les deux grands préceptes de la gastronomie. C'était mon p e i n t r e . — Parbleu, mon c h e r , continua-t-il, si vous vous tenez aussi bien à cheval qu'à t a b l e , vous pouvez har- diment vous présenter chez Franconi. Mais que diable dévorez-