page suivante »
3S mais lisez donc ces vers. — Ils sont beaux , c'est vrai , cela dé- cèle un poète , mais Paris en fourmille.... Ecoutez , faisons un autre marché , je vous donne cent francs.... — Cent francs ! Suez donc sang et eau ! usez donc voire imagination ! risquez donc un procès en police correctionnelle ! — Un procès , dites-vous ! eh ! mon a m i , croyez-vous qu'il y ait matière ? •— Que sais-je ? où n'en trouve-t-on pas ? il y a des hommes qui connaissent si bien le sys- tème des interprétations. — Oui , mais vous avez écrit en cons- cience ; il y a des choses fortes , mais elles sont générales, je ne vois rien de hasardé , point de personnalité , rien qui puisse faire du scandale. — La vérité est déjà si maligne pour certaines gens ! •—• Ils sont blasés là -dessus ; on leur en a tant dit ! Cependant, écoutez : si un juge d'instruction lance contre vous une ordon- nance, je vous donne mille francs. — Il se pourrait ! —• S'il y a un réquisitoire fulminant, une belle plaidoirie et une remise à hui- taine , je vous donne quinze cents francs. — Mais cela rendrà -t-il l'ouvrage meilleur ? — Eh ! mon a m i , cela le fera vendre. — C'est juste ; j'oubliais le point essentiel: — Ce n'est pas tout : si vous êtes condamné à trois mois de prison , je vous donne mille écus ; mais vous consentirez à ce qu'on ouvre pour vous une souscrip- tion.... — Quoi ! vous voulez qu'une aumône !... Eh ! non ; c'est l'opinion qui venge le talent des rigueurs du pouvoir , c'est l'ad- miration qui arrache un écrivain à la misère et le rend à la liberté ! — Ah ! quel mot avez-vous prononcé là ? liberté ! oui, je l'aime la liberté. Bonne déesse qui me permet d'errer où je veux, de don- ner un libre cours à ma vague imagination , inspire-moi toujours , sois ma m u s e , que je respire toujours ton air, soutiens-moi dans ce beau chemin de la vie.... que.... — Mais, mon cher monsieur.... — Ah ! c'est encore vous ! N o n , point de mille écus, point de souscription , l'indigence , s'il le faut, mais la liberté , toujours la liberté.— En ce cas vous acceptez ; cent francs et trente exem- plaires. — Soit. — J'y mets une condition. — Quoi ! toujours , voyons donc. — Vous vous chargerez des articles des journaux. Oh! si ce n'est que cela , c'est convenu, dit le poète ; et le voilà qui passe dix jours à corriger la première, la seconde, la troisièm épreuve et l'ouvrage paraît. Il envoie, franco, sous bande , un exemplaire à chaque journal