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Causerie. Lyon, 10 mai.

La guerre hispano-américaine semble devoir durer moins longtemps que ne le pensent les pessimistes. Dans l'intérêt général, il faut espérer que cette grave querelle sera vidée en quelques mois.

Si l'on écoutait certains inventeurs, elle s'achèverait en quelques jours.

Les gouvernements des deux nations aux prises reçoivent sans cesse les offres les plus extravagantes d'hommes de génie méconnus qui se disent en situation d'exterminer une armée ou de couler une escadre en moins de temps qu'il n'en faut pour l'expliquer.

Edison seul, n'a encore rien proposé. Les facultés inventives de celui-là ne s'exercent que dans des fins pacifiques.

Parmi les prétendues inventions proposées aux Etats-Unis ou à l'Espagne, figurent des engins destructeurs qui rappellent en le dépassant, celui grâce auquel Turpin se promettait de ravager, en quelques instants, les cotes du pays ennemi; des aérostats-dynamiteurs ; des appareils électriques foudroyants; des mines disposées de manière à faire sauter un régiment tout entier.

Un homme ingénieux mais impitoyable propose aux Yankees de débarquer à Cuba, le plus près possible des troupes espagnoles, tout un chargement de bêtes féroces dont les ravages répandraient l'épouvante et prépareraient admirablement un débarquement de troupes qui entreraient à la Havane comme dans du beurre...

Toutes les guerres des temps modernes ont ainsi donné lieu à des dévergondages d'imagination.

Cette fois, le sanglant différend se videra presque enti??rement sur mer où, malgré toutes les ressources des Nord-Américains, les Espagnols sont encore en situation de faire bonne figure. L'entrée de jeu n'a rien de bien décisif.

On va voir, dans la pratique, ce que valent les perfectionnements de la puissance navale que l'on ne connaît encore qu'en théorie et par les énormes sacrifices pécuniaires qu'ils coûtent aux nations.

Depuis de longues années, le monde militaire est partagé alternativement entre deux préoccupations. D'abord, celle qui consiste à fondre des canons énormes ; puis, tout de suite après, celle de fabriquer des plaques de blindage ou de construire des murailles assez épaisses pour résister à l'action de cette artillerie. On a prétendu que, grâce à cet antagonisme des artilleurs et des ingénieurs porté aux limites extrêmes, les guerres deviendront bientôt impossibles.

Je n'en crois rien.

L'humanité a malheureusement devant elle un long avenir de massacres militaires. L'art de tuer et de tuer en masse, pourra être, pour de longues années encore, l'art de se racheter, ou de se défendre.

Je parlais dernièrement à cette place, de la nécessité d'honorer la maternité en vue du repeuplement trop ralenti de notre France.

Un de nos lecteurs me signale à ce propos le trait suivant.

Une dame très charitable et que connaissent bien des pauvres de Lyon, visitait la semaine dernière, dans son humble logis, une mère entourée de ses cinq enfants en bas-âge et qui se disposait manifestement à en produire, à brève échéance, un sixième.

Vous êtes encore enceinte? lui demanda la visiteuse avec sollicitude. Oui, madame, répondit la mère en rougissant et en baissant les yeux. Il n'y a pas là de quoi rougir, ma brave femme. Soyez fière, au contraire , votre mérite est grand, très grand même... Oui, madame, ajouta la femme heureuse de cet encouragement ; oui, et d'autant plus que je suis veuve depuis sept ans !

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