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Causerie

Par ce temps de vacances, où les sujets de chronique se font rares, il faut tout lire, même les journaux étrangers. On y fait parfois de curieuses découvertes. L'Optician, un journal anglais, annonçait l'autre jour qu'un gentleman de Londres aurait eu l'idée de mettre des lunettes à son cheval et que l'animal s'en serait trouvé à merveille.

Notre confrère anglais en conclut doctoralement que la myopie, le presbytisme, le strabisme et autres affections de l'oeil, sévissent sur l'espèce chevaline comme dans l'espèce humaine, et que c'est là une des causes qui expliquent les emballements, aussi dangereux qu'absurdes, dont les chevaux sont trop prodigues. L'Optician propose donc, pour y remédier, de mettre des verres convexes ou concaves, suivant le cas, sur le chanfrein de nos quadrupèdes. D'où cette conséquence qu'une nouvelle industrie va se créer, la lunetterie pour chevaux.

Evidemment la mode s'en mêlera, comme en toutes choses.. Les chevaux de trait n'auront que de grosses vilaines besicles, comme celles des vieux magisters . Mais les pur-sang fringants des petits coupés, mais les carrossiers steppeurs, qui font faire à ces dames leur tour de Bois, auront des lorgnons distingués. L'allée des Poteaux verra même vraisemblablement des cobs portant monocle tout comme M. le prince de Sagan.

Bien mieux, la couleur des verres pourra avoir une heureuse influence sur le moral de la plus noble conquête que l'homme ait jamais faite. Aux chevaux trop gais, et partant trop vifs, on donnera des lunettes à verre fumé ; aux chevaux affligés d'un mauvais caractère, des lunettes roses. C'est la fin prochaine des accidents de voiture.

Enfin, l'agriculture y trouvera son compte par ces temps de sécheresse où les fourrages sont rares. En lui mettant des verres verts, le cheval aura l'illusion de manger du foin frais, alors que son râtelier ne contiendra que de la vieille paille...

N'est-ce pas admirable? On ne perd pas son temps à lire les journaux d'Outre-Manche !

Encore des histoires de chasse. Aussi bien, elles sont toujours d'actualité huit jours après l'ouverture.

Un de nos amis a été invité à chasser dans une propriété de la banlieue de Lyon, où le gibier est plutôt rare. Les plus grosses pièces sont des becfigues. Cependant, à peine en chasse, notre invité voit débouler à dix mètres devant lui un superbe lièvre. Il tire : le capucin tombe raide mort. Tout joyeux, il insère l'animal dans son carnier, lorsque le garde lui dit : Monsieur, vous venez de faire un grand malheur ; vous avez tiré le lièvre de la plaine. Il n'y en avait qu'un à dix kilomètres à la ronde. Il était connu et aimé de tous les habitants. On l'appelait Monsieur Alfred. On ne sera pas content à la maison !

Et de fait, en rentrant chez son hôte, l'invité fut accueilli plus que froidement. On ne lui pardonnera jamais d'avoir tué Monsieur Alfred. Et voilà des amis brouillés à mort pour un malheureux coup de fusil. Il eût mieux valu rentrer bredouille...

Un autre Lyonnais a été victime d'une mésaventure non moins cruelle. Le matin de l'ouverture il prend le train pour Bourg, avec son chien dans le fourgon et sa valise aux bagages. A la gare d'Ambérieu il s'aperçoit qu'on transborde sa valise dans le train de Genève. Je saute de wagon, raconte-t-il, et posant mon fusil contre le mur je cherche le chef de gare pour lui signaler l'erreur. Impossible de le trouver. Je parcours la gare dans tous les sens. Cinq minutes s'écoulent. Des coups de sifflet retentissent. Des trains s'ébranlent. Je me retourne : plus de fusil! Un homme d'équipe, voyant l'arme abandonnée, avait cru à un oubli et l'avait mise dans le train de Lyon. Pendant ce temps le train de Bourg partait. Je me suis donc trouvé à Ambérieu avec mon bagage filant sur Genève, mon fusil sur Lyon et mon chien sur Bourg. C'est ainsi que j ' ai fait l'ouverture !

Notre compatriote n'en a pas moins rapporté le soir, à son domicile, une superbe bourriche de gibiers variés, tués à coups de pièces de cent sous. Et il a fait croire à sa femme qu'il avait été le roi de la chasse. Tous ces chasseurs sont un peu Tartarins...

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