La mode
La mode des robes plates et collantes ne simplifie pas la composition des costumes, tout au contraire; quelle recherche dans les garnitures ne faut-il pas pour éviter le banal, le «déjà vu » ! Ces diverses garnitures se composent le plus souvent à plat et forcément aux mêmes endroits. Le bas de la jupe réclame toujours une décoration importante : tantôt elle est due à un mélange de broderie et soutache; ce genre convient surtout aux lainages et aux petits draps unis qui se porteront fort avant dans la saison; tantôt c'est la bordure qui est unie, une bande de velours en biais qui se détache sur les étoffes rayées, brochées, façonnées ou semées de fleurettes, car c'est toujours par un effet de contraste que l'on obtient le cachet, sans lequel il n'y a pas de robe vraiment élégante.
Les galons, dont la variété n'a pas de limite, Sétagent aussi en bordure dans le bas des jupes, et ce n'est pas la garniture la moins originale; les galons, larges comme un ruban n° 5, sont notamment très commodes pour l'ornementation du corsage; ils servent pour les poignets, les ceintures, les cols, les pattes, s'entrecroisent pour figurer un corselet, et, comme ils s'allient très bien aux dentelles et aux franges de perles, on arrive avec cela à des créations charmantes pleines de style. A elle seule, la dentelle donne de la variété à vingt robes, et l'on peut en dire autant des vêtements qu'elle garnit. Elle se met à plat comme une broderie ; on en fait des coquilles ou des ruches en pareil, garnies d'une petite guipure Tom- Pouce.
Les pointes en dentelle, remontantes ou descendantes, les manches également en dentelle, les berthes et les pèlerines en dentelle de Venise, cest dans tout cela qu'il faut puiser pour garnir les robes d'été, sans oublier les corselets traversés de bretelles en ruban, les devants de veste.à l'espagnole, les blouses russes et les gilets tout en dentelle sur transparent de soie. Je rappelle, avant de Passer à la question gilet, dont j ' a i un mot à dire, que les rubans en noeuds, en choux, en plats, vont -tic portés avec rage, et notamment les rubans de satin et de moire.
Le gilet, qui s'impose avec la veste ou jaquette ouverte, à longs revers, sera rempli de fantaisie. On ne craindra pas le broché Pompadour ou même le rouge, avec une robe bleu foncé ; mais ce qui est exquis, le charmant, le délicieux, c'est le gilet blanc en faille, drap ou piqué, avec la bavette de dentelle blanche. Celle-ci, sous la forme de pèlerine, donnera une grâce incomparable aux petites mantes et vêtements dérivant de la pèlerine longue et du collet. C'est surtout sur les petites mantes dans la note claire, doublées de soie tendre, que ces grands cols de dentelle blanche figurent. Les chapeaux en ont aussi leur part. On fait de gracieux chapeaux de genre demi-ronds, légèrement ondulés, tout en dentelle blanche; ils se garnissent de roses et de fleurs printanières.
Le succès du pli Watteau tient à sa grâce noble, certainement, mais il y a aussi dans notre engouement un petit faible pour la draperie, dont la mode nous a sevrées depuislongtemps. Je crois même que, lorsque les étoffes seront de nouveau drapées, ce sera le pli Watteau l'introducteur; il a déjà donné naissance à mille fantaisies : les plis plats rapprochés sous un noeud, l'étoffe froncée et posée en pli Watteau, le double pli creux, l'étoffe pliée en ruche, autant de dérivés du pli Watteau, qui va exercer aussi son influence sur le devant des robes.
Les diverses étoffes appelées à varier notre costume d'été sont nombreuses et toutes charmantes. Nous notons la prédominance des nuances indécises, l'aspect glacé et changeant des soies, ces rayures si différentes des lainages et la prédilection pour toutes les étoffes, soie ou lainage, à petites côtes, prenant les noms de veloutine, de Popeline; d'épingline et d'une foule d'autres noms en ine, dont la bengaline semble le type initial.
Les robes de foulard, mousseline, nansouck, batiste et organdi sont appelées également à un grand succès pour le milieu de l'été. Ces toilettes, extrêmement légères, sont ce qu'est à l'utile de la vie le superflu ; elles ne dispensent d'aucun autre costume, étant là pour satisfaire le caprice d'une heure, mises quelquefois pour la durée d'un rayon de soleil. Cela peut s'entendre également des robes de dentelle et des pèlerines, petits vêtements et casaques de dentelle, ruisselants de perles, qui ne pourront remplacer, pour les robes, le costume de fin lainage, correct toujours et d'une coutumière opportunité, et pour les vêtements, la jaquette d'un usage courant et très pratique pour les promenades, courses, petits voyages et tous déplacements.
Puisqu'il est question des jaquettes, nous devons savoir gré ù la mode d'apporter dans leur façon plus de variété que par le passé. Les revers longs qui ornent la jaquette ouverte sont très élégants. La jaquette, boutonnée à la taille seulement, est aussi très coquette; d'autres ferment sur le côté, croisées en biais et garnies aussi d'un revers qui diminue graduellement de largeur jusqu'au bas. Ces divers genres sont encore variés entre eux par la forme des poches et la place qu'elles occupent ; tout cela a un grand cachet de nouveauté. La jaquette tailleur semble aussi inédite, tant elle se présente bien avec sa double rangée de boutons.
Pour nous résumer, la mode nouvelle nous apparaît, dans toutes ses manifestations, gracieuse et élégante. Les chapeaux, pour couronner l'oeuvre, sont des merveilles d'originalité. Les pailles de la plus haute fantaisie viennent d'apparaître couvertes de fleurs, les bottes de roses s'alliant â des fleurs d'une autre couleur qui couvrent la calotte. Les fonds de fleurs sont en majorité, ainsi que la paille côtelée, coupée, brisée, qui prend tous les aspects : tantôt frange, dentelle ou paille tressée ; tout ceci sans préjudice de la paille de riz et de la paille de Florence.