L'exécution des anarchistes de Xérès
A la suite du mouvement anarchiste qui s'est produit à Xérès, il y a deux mois, de nombreuses condamnations ont été prononcées par la justice espagnole, et quatre des individus les plus compromis ont été condamnés à la peine de mort : Busiqui, Lamela, Lebrijano et Zarzuela.
Ils ont subi le supplice du garrot le 10 février. Les formalités d'usage qui procèdent en Espagne les exécutions capitales avaient commencé la veille, à 7 heures du matin, par la lecture de la sentence. Puis, on a mis les menottes aux condamnés qui, dans l'après-midi, ont pu recevoir leurs parents et leurs amis.
Le lendemain, à partir de 10 heures et demie, personne n'a plus été admis auprès des condamnés qui sont restés seuls avec les prêtres. A ce moment, une grande agitation se produit aux alentours de la prison. Des groupes se forment sur la place, sombres et silencieux. Les troupes viennent se masser autour de l'échafaud. Les gendarmes à cheval repoussent la foule qui grossit d'instant en instant et font la haie de la prison à l'échafaud.
Des chants religieux lentement psalmodiés s'élèvent. La porte de la prison s'ouvre, laissant d'abord le passage aux prêtres en surplis et aux moines. Ceux-ci ont la tète recouverte de la cagoule. Chacun tient en main un cierge fumeux. Une charrette traînée par des mulets vient se ranger devant la porte.
Les bourreaux de Madrid, de Séville et de Grenade pénétrent ensuite dans la prison. Le bourreau de Grenade se dirige vers les condamnés en leur disant : « Je suis l'exécuteur de la justice, pardonnez-moi! » Zarzuela répond qu'il ne pardonne à personne. Les exécuteurs veulent ensuite revêtir de la tunique des condamnés les quatre prisonniers qui leur résistent. Busiqui, Lamela et Lebrijano cèdent prosque aussitôt, mais Zarzuela se débat énergiquement on criant qu'il ne veut pas se laisser faire. Il faut de longs et vigoureux efforts pour venir à bout de sa résistance et lui faire endosser la tunique.
L'heure est venue de conduire les condamnés à l'échafaud. La garde civile et la cavalerie font reculer la foule.
Les prisonniers apparaissent escortés par des gendarmes et sont conduits à l'échafaud dans l'ordre suivant : Busiqui, Lamela, Zarzuela et Lebrijano. Busiqui et Lamela sont deux jeunes gens de vingt-cinq ans, le premier extraordinairement petit, mais vigoureux; Lamela, celui qui a montré depuis le jugement de la cour martiale le courage le plus farouche, aurait été pris le matin, à cinq heures, d'une faiblesse. Busiqui, en montant les degrés de l'échafaud, a dit : Adieu mes enfants
. Zarzuela, vrai type de l'Espagnol, coureur de posadas et joueur de couteau, se tourne vers la foule et prononce ces mots : Fils de Xérès, martyrs du travail...
, mais le bourreau l'arrête. Le plus âgé dos quatre, Lebrijano, d'une maigreur extrême, s'écrie : Je suis innocent!
Le bourreau do Grenade et ses aides s'emparent de Busiqui et de Lebrijano ; celui de Madrid prend Lamela, celui de Séville, Zarzuela. Avec un terrible ensemble, ils font asseoir les condamnés et les lient au poteau. En même temps le cou des quatre condamnés est saisi dans l'anneau de fer, les quatre bourreaux font mouvoir les leviers qui font mouvoir eux-mêmes la vis de strangulation , en même temps, ils font tomber sur la tête des malheureux le capuchon noir qui doit cacher aux spectateurs les hideuses convulsions de leurs traits et qui indique que justice est faite. Et sur la charrette qui attend, les moines de la Charité emportent peu d'instants après les quatre cadavres qu'ils vont mettre en terre dans le coin du cimetière réservé aux suppliciés.