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Causerie.

Il faut croire — chose stupéfiante — que la pièce de cent sous a cessé de plaire, puisqu'il est question d'en faire une nouvelle. Ce sera quelque chose d'admirable, à en juger par les descriptions qu'on en donne. Un célèbre graveur, M. Roty, l'a dessinée d'un burin lyrique, tout à fait digne de Sa Majesté l'Argent.

Un critique d'art — quel bel art que celui de la monnaie ! — en fait le tableau suivant :

Sur l'horizon, qu'éclairent les premiers rayons du soleil levant, une semeuse marche, fière et allègre. Son bras gauche relient le sac rempli de grains. De son bras droit, elle lance les semences à pleines poignées, et le vent du matin se joue aux draperies de sa robe. Sa tête est gracieusement coiffée du bonnet phrygien.

Au revers, autour d'une torche, s'enroule une branche de laurier. C'est sur ce revers que sera inscrite, en petits caractères, la valeur de la pièce : Cinq francs. Le chiffre et la lettre seront séparés par l'extrémité inférieure de la torche. On évitera de la sorte ces inscriptions énormes qui, incluses dans une couronne banale, déshonorent toute la monnaie moderne.

Evidemment si le nouvel écu répond à ce programme, qu'on dirait conçu par quelque moderne Gellini, il sera parfaitement beau. Mais il me semble que l'ancien n'était pas non plus sans valeur. Ne valait-il pas cent sous ? Si le nouveau valait six francs, ce serait là une supériorité incontestable sur la monnaie précédente. Malheureusement il représentera toujours le même prix.

Et puis, en sera-t-il plus facile à acquérir parce qu'il sera mieux ciselé ? Il faut en douter par ces temps d'ardente lutte... Là serait pourtant la vraie réforme de la monnaie. Il faudrait que tout le inonde fût à même d'en avoir. Jusqu'à ce qu'on ait résolu ce problème, tous les graveurs les plus renommés auront beau s'y mettre, la question monétaire sera toujours pendante.

Enfin attendons l'apparition de l'écu fin de siècle. Cent sous, ça se voit toujours, quelque gueux qu'on soit, contrairement aux billets de mille francs dont le bon Schaunàrd de la Vie de Bohème disait mélancoliquement Il parait qu'ils sont bleus !

Une pièce qui sera démonétisée avant celle de cinq francs, c'est le Spiritisme de M. Sardou. Nous en avons déjà parlé ici-même en souhaitant à l'auteur de Patrie la réussite dans son dessein louable et téméraire. Mais le spiritisme scientifique dont Sardou est le fervent ne saurait se traduire en actes dramatiques ou en épisodes de comédie. C'est de la philosophie et même de la plus sévère. Le sujet demande l'étude expérimentale et la méthode, non pas les feux de la rampe et les mots d'esprits.

Il est certain que les phénomènes dits spirites appellent les investigations des savants et rien que des savants. Trouveront- ils le mot du mystère ? Oui, car la science franchira peu à peu toutes les barrières. N'est-il pas surprenant, par exemple, de voir les découvertes qui jaillissent tous les jours des recherches opérées avec les rayons Roentgen ?

Les applications n'en sont pas seulement des besognes patientes et spéciales de laboratoire. Il en est de très pratiques, comme celle que vient de réaliser M. Testenoire, directeur de la Condition des Soies de Lyon. Grâce aux rayons cathodiques, il a reconnu le sexe des cocons. Et c'est là une découverte énorme au point de vue do la sériciculture, le cocon mâle donnant 50% de fil de plus que celui du beau sexe des vers à soie. Il importe donc de conserver les premiers plutôt que les seconds et cela est facile, car la chrysalide femelle apparaît sur l'image Roentgen avec un pointillé noirâtre : ce sont les oeufs. Constatation qui permet encore de sélectionner, par des croisements appropriés, les différentes pontes plus riches en cocons mâles. On voit les conséquences intéressantes pour l'industrie lyonnaise.

En médecine c'est toute une révolution.

Parmi les savants lyonnais qui ont le plus contribué à vulgariser et à rendre pratique les célèbres rayons, il faut faire une place à part au distingué docteur Destot. Ses procédés ont rendu moins coûteux et d'un maniement facile les tubes de Crookes. Avec un écran au platino-cyanure de barium, il lit dans les poumons, l'intestin et l'estomac des malades, comme dans un livre ouvert. Avec les rayons X, il pénètre dans l'appareil plâtré qui enveloppe un membre cassé, pour voir si les os sont bien en place ; il va chercher une aiguille logée dans les profondeurs des os du genou ; il a scruté, par l'examen au fluoroscope, les ganglions pulmonaires d'un soldat qu'on refusait de réformer, et dont l'état maladif a été ainsi démontré ; il a pu aussi, dans une expertise médico-légale, prouver qu'un pauvre mineur, auquel sa compagnie refusait depuis neuf ans, de procès en procès, toute indemnité, avait eu réellement, par suite d'accident, une fracture ancienne de l'astragale.

La radiographie est une science née d'hier, mais ses conquêtes sont déjà étonnantes, et son avenir apparait infini. C'est tout un monde mystérieux qui va s'ouvrir devant elle et par elle.

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