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    Causerie.

    Suivez-vous les notes que publient périodiquement les journaux sur l'Exposition de 1900 ? Il en est d'intéressantes, par exemple celles qui nous renseignent sur les travaux des deux commissions créées pour classer et examiner les « attractions ». Le problème ne va pas sans quelques difficultés. En 1889, la Tour Eiffel, la rue du Caire et les fontaines lumineuses ont assuré le succès de la Foire du Monde. Que trouvera-t-on cette fois d'inédit et de prestigieux pour saluer splendidement l'aube du vingtième siècle, de façon à attirer les foules des quatre coins du globe ?

    Jusqu'à présont, il faut le confesser, les clous vraiment piquants sont rares. Presque tous ceux qui ont été réservés par la Commission des attractions proprement dites, dont M. Mesureur est président, peuvent se ramener à une même idée, celle de la Revue du Siècle : Panorama du temps présent, ou reconstitution du passé, la France d'hier ou celle d'aujourd'hui, voilà à peu près tout ce qu'on a imaginé. Je ne vois guère à signaler, on dehors de ces idées qui ont déjà beaucoup servi, qu'un projet de fontaines ou cataractes lumineuses tombant du quatrième étage de la tour Eiffel. Ce torrent enflammé, dont la vaste nappe s'abimera d'une hauteur de trois cents mètres, sera sans doute d'un effet grandiose. M. le docteur Grenier, le célèbre député musulman, aurait là de quoi faire des ablutions que n'avait pas prévues Mahomet...

    Quant aux projets scientifiques, soumis à la deuxième commission, ils sont plus maigres encore et pas beaucoup plus neufs. Il y en a tout juste cinq retenus par le rapport officiel : l'éclairage des eaux de la Seine au moyen de réflecteurs sous-marins et colorés ; la mine artificielle montrant une exploitation houillère en activité ; le globe terrestre de 33 mètres de diamètre, présenté par Elisée Reclus ; un chemin de fer glissant, avec un type de moteur nouveau ; des ballons captifs perfectionnés... Et puis, c'est tout. Il n'y a certes pas là de quoi épater l'humanité. Mais si nous prenions la liste des « refusés » ce serait autre chose. Les clous y sont plus nombreux que sur la vaste semelle d'un Auvergnat. Ce n'est pas non plus l'originalité qui leur manque. Seulement ils ont un tout petit défaut : celui d'être impraticables.

    L'un de ces inventeurs ingénieux a proposé d'ouvrir aux visiteurs les sous-sols de Paris de façon à exhumer les restes de la vie passée pour montrer aux générations d'aujourd'hui ce qu'elles seront dans cent ans. Oh ! la macabre vision ! L'inventeur est un Marseillais nommé Mickel. On ne saurait le qualifier de Mickel Ange, car sa trouvaille tient plutôt de l'enfer.

    Un autre ingénieur — ils sont tous ingénieurs ces grands esprits — a eu une idée aussi sublime que celle de Newton découvrant les lois de la gravitation en voyant tomber une pomme. Elle lui est venue en regardant dans une salle de tir l'oeuf du jet d'eau. Et cet oeuf a été le plus grand jour de sa vie. Il le remplace, — conception vraiment géniale, — par une plate-forme lancée et soutenue dans l'espace à deux cents mètres de hauteur au moyen de jets d'eau sous pression émanant d'une conduite circulaire. Sur cette plate-forme prendraient place de nombreux spectateurs. Sans doute ils ne s'embêteraient pas les « nombreux » spectateurs. Mais, voyez-vous la pression des jets d'eau s'arrêtant ! La descente serait plutôt désagréable. Aussi la commission a-t-elle jugé le projet par trop en l'air et l'idée de l'oeuf moins admirable que l'oeuf de Christophe Collomb.

    Un autre — et celui-là est un Bordelais, M. Gouttes — rêve de voir les clients de l'Exposition véhiculés avec une vitesse de deux cents kilomètres à l'heure, dans des tubes analogues à ceux dont se sert l'administration des postes pour le transport des dépêches dans Paris. La délicieuse perspective ! Se sentir transformé en « petit bleu » et glisser avec une allure vertigineuse en de confortables tubes pneumatiques ! On ne risque guère que d'être aplati comme un timbre-poste...

    C'est apparemment la raison qui a fait que la Commission n'a point goûté M. Gouttes, et n'a pas trouvé son idée de tube éreuse...

    Pardon de cet atroce à peu près, mais moi aussi j'avais besoin d'un « clou » de la fin !

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