Sommaire :

    Villejuif, près de Paris, un important établissement d'aliénés.

    Il y a quelques jours, des gardes-malades conduisaient à la messe une division de soixante quatre pensionnaires. Tout à coup, quatre individus se précipitèrent sur elles.

    En un clin d'oeil, la colonne fut coupée à l'endroit où était placée Mlle Louise Dourches, et brusquement cette jeune fille se trouva séparée de ses camarades. A peine remises de leur violente émotion, les gardes-malades se jetèrent sur les agresseurs, afin de dégager la jeune fille qu'ils emportaient ; de leur côté, les malades voyant le mouvement de leurs gardiennes, suivirent leur exemple, et à leur tour s'élancèrent sur les quatre hommes pour leur arracher la jeune fille.

    Ce fut une indescriptible mêlée ; près de quatre vingts femmes ou jeunes filles, dont soixante-trois malades, contre quatre hommes, mais quatre hommes absolument résolus.

    Les coups de pied, les coups do poing pleuvaient, et l'un des agresseurs jetait dans la bagarre, essayant de dominer le tumulte : Je suis le frère de Mlle Dourches ! Enfin, les ravisseurs parvinrent à éloigner M11e Dourches de ses camarades ; deux d'entre eux la saisirent alors et la placèrent dans un fiacre qui attendait à quelque distance, puis, rapidement, ils disparurent avec elle.

    Nous avons dit qu'un des quatre agresseurs, celui qui paraissait le chef de la bande, avait déclaré qu'il était le frère de Mlle Dourches. C'est vrai : c'était le frère de la jeune fille qui avait préparé et exécuté cet audacieux enlèvement sur l'ordre de sa famille.

    Voici d'ailleurs ce que M. Dourches, qui habite à Paris, boulevard Ménilmontant, et qui a été interrogé sur cet étrange affaire, a raconté :

    Il y a quatre ans, a-t-il dit, ma fille Louise s'est éperduement éprise d'un chanteur. Bientôt, une alliance n'ayant pu être conclue, ma fille fut en proie à des crises terribles qui ébranlèrent sa raison.

    Mme Dourches voulut confier notre malheureuse enfant à une maison de santé : je m'y opposai quelque temps, mais je cédai enfin. Louise fut d'abord placée à Sainte-Anne, puis l'année dernière transférée à Villejuif.

    Il y a six mois, après avoir maintes fois fait la remarque qu'une amélioration sérieuse s'était produite dans l'état de la jeune fille, nous nous décidâmes à la retirer. Peine perdue ! C'est en vain que nous avons usé de tous les moyens en notre pouvoir pour la faire sortir de l'hospice. On s'obstinait à nous répondre que notre fille était folle.

    Eh bien ! non, c'est faux, notre fille est guérie ; c'est parce qu'on n'a pas voulu nous la donner de plein gré que nous l'avons prise de force, et nous la garderons.

    Où le père et la mère ont-ils caché leur fille ? M . Dourches et sa femme se refusent à le dire.

    droit d'utilisation : Licence Ouverte-Open Licence

    Retour