La mode
On porte en ce moment beaucoup de plumes sur les costumes de jour et les vêtements; cette élégante garniture, charmante autant que fragile, et par cela seul, favorite des riches mondaines, se mettra avec succès sur les robes de diner, de soirée et les robes de bal. La plume a toujours rivalisé de grâce avec les Heurs cette saison ; elle est l'élément dominant. Sur les robes, la plume se dispose soit en bordure, soit en quilles, ou bien suivant en ligne droite, le prolongement de la traîne ; sur les corsages fermés, on en fait des bretelles, des colliers, des brassards, des épaulettes, on en borde les corselets, °u bien elle se place en biais de l'épaule à la ceinture. Ces diverses façons de l'employer seront en Usage pour la fourrure, la garniture de style par excellence. On prépare un beau succès, à cette occasion, à la zibeline, déchue depuis tant d'années de ses anciennes splendeurs.
Il se fera des bordures assez larges de fourrures pour les robes, de cinq à six centimètres, mais le genre le plus apprécié est certainement la décoration composée de trois à quatre « rouleautés », c'est le mot employé, étages à partir de l'ourlet. Cet arrangement convient pour la plume, la fourrure, la peluche-marabout, qui semble une fourrure, et les galons brodés, dont on ne se lassera jamais ; ils ont repris toute leur vogue et seront fort utiles pour enjoliver les robes qui se drapent peu.
Les jupes ont une tendance à se faire princesse de plus en plus, malgré les efforts déjà faits pour nous rendre les duperies. Cela ne veut pas dire que la robe soit strictement de forme princesse, puisque la traîne rapportée est d'un usage courant. Il serait plus exact de dire que les jupes peu bouffantes s'appliquent bien sur le corps et sont généralement droites et ornées sobrement, formant en cela contraste avec le corsage très garni « très cherché », avec de grands effets de richesse obtenus par les corselets brodés, les bretelles, les empiècements et les ceintures. Les étoffes brochées en soie ou velours, et les lainages éblouissants et très façonnés expliquent le mince succès des draperies. Les dessins en relief et les côtes d'or ou de soie claire sont si intéressantes «qu'elles habillent par elles-mêmes et portent leur garniture » selon une expression consacrée par les couturières.
Ce qu'il faut constater encore, en s'en applaudissant, c'est que, si la mode change, comme c'est son devoir, elle ne nous impose plus de nuances maussades ; on n'hésitera pas à mettre, malgré la saison d'hiver, un lainage dont la grosse côte rose, par exemple, se détachera sur un fond sombre; de même pour le jaune de nuance paille, toujours en faveur.
La diversité et le nombre des costumes que comporte la garde-robe féminine, explique d'ailleurs ces fantaisies, puisque l'on peut, selon la couleur du temps ou le but de la sortie, faire une toilette gaie et bouillante d'aspect avec les étoffes citées plus haut : on mettra un costume sobre en drap gris ou quelque lainage genre molleton, à rayures bleu et gris, gris et rose, jaune et gris, aubergine et gris. On portera aussi quelques écossais distingués à grands carreaux, traversés de dessins en relief en peluche sombre, se déroulant comme des rubans.
Il nous faut encore appuyer sur ce détail, que la Passementerie et la broderie seront le fond de toutes les garnitures de luxe, mêlées, la plupart du temps, de jais, d'or, d'argent, de perles constellées, de pierreries.
Nous parlerons prochainement de la toilette du soir, qui reprendra de l'actualité ; en attendant, disons un mot du vêtement qui l'enveloppe ; ici la coque est aussi intéressante que l'amande. Ce sont les mantes et les pelisses en soie, doublées de soies très claires, que l'on préfère à tout autre manteau ; elles enveloppent, sans froisser, la toilette légère, et sont, par elles-mêmes, des vêtements de grand luxe, dont le style n'est pas exclu. Les empiècements se brodent, les pattes d'épaule, les cols et les teintures. Grand emploi aussi de la plume en collier et en garniture, de même pour la fourrure.
Les brides se multiplient sur les chapeaux ronds élégants et leur donnent un cachet original. Le chapeau rond va-t-il gagner son pari ? Chi lo sà ?