Sommaire :

Causerie

Dans une de ces chansons de langue verte dont le pittoresque réalisme fait oublier la crudité, le poète Alfred Bruant donne des conseils aux filles de joie sur le choix d'un quartier. Quant on veut faire ce métier-là, mieux vaut s'établir Chaussé d'Antin qu'à Grenelle leur dit-il avec une paternelle sollicitude.

A Lyon, je ne sais pas trop comment Alfred Bruant s'y prendrait pour indiquer utilement à ces hospitalières noctambules un quartier plutôt qu'un autre — attendu qu'on les y assassine dans tous.

Le sang de la Grignette est à peine refroidi dans l'entresol de la place des Célestins, qu'une autre malheureuse fleur de bitume est victime, comme elle, d'un crime mystérieux. Nous avons déjà dit quelques mots, la semaine passée, du fait divers sensationnel qui s'est déroulé montée du Gourguillon.

On pouvait encore espérer, il y a huit jours, que la police découvrirait le coupable. Aujourd'hui il n'y faut plus guère compter. L'étrangleur de Clotilde Berthéas, tout comme le chourineur de la Grignette, est à peu près assuré de l'impunité.

Il faut reconnaître que ces dames exercent une profession qui fait la partie belle aux assassins. Elles reçoivent tant de gens et à des heures si noires ! La plupart de leurs visiteurs sont comme le fameux inconnu

Qui n'a pas dit son nom et qu'on n'a point revu.
Et si l'un d'eux, au lieu d'y aller de sa pièce blanche ou de son jaunet, supprime sans bruit la marchande d'amour, comment veut-on que la police le dépiste? A moins pourtant qu'il ne laisse derrière lui quelque indice révélateur. Or, ce n'est pas le cas du monsieur qui a tordu le cou à la pauvre Clotilde : on a ou beau chercher, on n'a pas trouvé le moindre fil conducteur qui pût mettre sur ses traces.

Encore un dossier criminel sur lequel il Faudra mettre la mention à classer ! et les archives de la police lyonnaise regorgent de ses dossiers-là. On peut lui accorder, pour cette fois, les circonstances atténuantes. N'empêche que ce ne soit point très rassurant d'habiter une ville où les honnêtes gens ont beaucoup moins de sécurité que les assassins...

Il arrive depuis quelque temps des mésaventures aux représentants du suffrage universel qui voudraient profiter de leur situation pour ne pas obéir aux lois ou règlements imposés à tout le monde.

Sous prétexte que les élus représentent le peuple-roi, quelques-uns de ces messieurs ne seraient pas fâchés de jouer aux petits souverains, ou tout au moins de s'attribuer toute une série de privilèges au détriment du bon public.

Mais nous vivons en un temps d'égalité. La police a des consignes que ses agents doivent appliquer à tous les citoyens, simples électeurs ou députés. C'est ainsi qu'on a vu un président du Conseil municipal de Paris fortement déconfit pour avoir résisté à un agent qui voulait faire circuler sa voiture, laquelle stationnait indûment sur le boulevard, pendant que ledit président jouait aux dominos dans un café voisin.

C'est ainsi encore que, plus récemment, les fidèles urbains ont « passé à tabac » un sénateur, M. Lefèvre, qui prétendait entrer par une porte du Palais de Justice interdite au publie, et un député, M. Rousse, qui a contrevenu aux règlements de police en s'installant dans un tramway pour lequel il n'avait par de numéro et en refusant avec véhémence d'en descendre sur les réquisitions des agents.

On a empoigné ces honorables ; on les a conduits au poste, peut-être même les a-t-on un peu bousculés pour venir à bout de leur résistance ; puis on les a relâchés après avoir entendu leurs explications.

Moi, je trouve cela très bien.

Il faudrait pourtant que les édiles, les députés et les sénateurs se missent dans la tête une fois pour toutes qu'en dehors du Conseil municipal, de la Chambre et du Sénat, ils ont les mêmes devoirs et les mêmes droits que le commissionnaire du coin. Rien de plus, rien de moins. Les électeurs les ont nommés pour élaborer des arrêtés municipaux ou des lois, mais pas du tout pour se soustraire à leur application.

Aussi quand ces législateurs deviennent contrevenants, il est équitable, il est salutaire, il est moral qu'on leur dresse procès-verbal et qu'on les fourre au poste comme les camarades.

M. Charles Narrey vient de publier chez Calman-Lévy un volume humoristique intitulé Autour du Dictionnaire, qui contient de bien spirituelles définitions. Exemples :

Accapareur. — Un homme qui a une femme et une maîtresse et qui ne veut pas que l'une invite son cousin Jules et qui défend à l'autre de recevoir son ami Gustave.

Ange. — La femme du voisin.

Appointements. — Une bagatelle si on écoute celui qui les reçoit, un gros chiffre si on entend celui qui les paye.

Bréviaire. — Livre que les prêtres portent toujours sur eux et qu'ils lisent quelquefois quand ils ne sont pas seuls.

Gibelotte. — Miaou !

Messie. — Celui que la femme attend quand son mari va trop souvent au cercle.

Polygamie. — Le comble de la fatuité.

Respect. — Une chose que les femmes aiment en public et détestent en particulier.

Seringue. — Une indiscrète qui fourre son nez partout.

Un homme supérieur. — Celui qui pense comme nous.

droit d'utilisation : Licence Ouverte-Open Licence

Retour