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    LA MODE

    Paris, le 13 Mai.

    A l'heure actuelle, les modes d'été sont bien décidées, il n'y a pas à en douter. Or, si vous avez pensé, Mesdames, que cette année les formes changeraient au point de révoquer les robes de l'année passée, il vous faudra revenir sur ce téméraire jugement; les robes de l'année dernière pourront fort bien être utilisées. Certes, j'ai vu des mondaines, toujours à la recherche de l'inédit, dont les costumes créaient une variante, mais la note dominante, celle qui affirme une mode, est la simplicité, et sauf quelques modifications faciles à opérer, les toilettes de l'été dernier pourront être modernisées.

    Les paniers, dont on nous prédisait la résurrection, n'ont pas su s'imposer. La jupe reste plate, légèrement mouvementée et quelque peu traînante. Voilà l'écueil, me direz-vous? les robes que l'on désire utiliser sont généralement trop courtes; mais il y a moyen de remédier au mal. Ajoutez en bas de votre jupe un froncillé de soie assorti au tissu ou un petit plissé, et le malheur sera réparé. Ce qui est fort joli et que je recommande particulièrement, c'est trois rangs de minuscules ruches de taffetas de 0m03 découpées à l'emporte-pièce et superposées. On ajoute alors une bande d'étoffe à la jupe, et la couture se trouve dissimulée sous la garniture. Les corsages se portent longs; ce n'est cependant pas une loi absolue, et la robe à taille ronde n'est pas encore bannie de l'élégance, changez seulement votre ceinture au lieu de la porter étroite, fermée par un chou derrière, faites une ceinture en galon et pierreries ou en velours genre corselet, semé de turquoises, de rubis ou de jais. Tous ces petits riens feront oublier à votre toilette qu'elle a déjà affronté une saison.

    La batiste s'apprête à jouer les grands premiers rôles dans la constitution des toilettes de journées chaudes ; à fond blanc semée de dessins Louis XVI, elle sera d'un effet charmant. Toutefois, comme i1 n'y a pas à se dissimuler le peu d'usage qu'elle pourrait faire et que son entretien exige des soins constants, je ne la conseillerai donc que fort peu. La batiste se remplace d'ailleurs avantageusement par la mousseline de laine imprimée et surtout par le foulard.

    Laissez-moi vous citer cependant une jolie robe d'intérieur que je trouve plus à sa place dans cet emploi que dans une toilette de rue : En linon crème avec jetée de lilas mauves, la jupe froncée est garnie dans le bas de trois volants. Longue veste et plis Watteau derrière ; devant froncé entre trois pattes de broderie. Volant tout autour et en jabot devant. Ce modèle fort seyant chez soi, a l’avantage d'être toujours d'une grande fraîcheur il se blanchit facilement et n'offre aucune difficulté de repassage.

    Dans ce même goût j'ai admiré aussi des fonds rose ancien, bleu de Sèvres, vert Nil, avec dessins blancs, ce qui est beaucoup moins salissant. Les ombrelles ne varient pas de formes cette année, elles restent grandes, à cannes très hautes. Les manches et le dessus, en revanche, se prêtent à mille fantaisies. Les fruits et les fleurs ornent le plus souvent le manche ; les cerises, les groseilles, les roses surtout ont la vogue. C'est coquet, certes mais cela durera l'espace d'une saison. Il est toujours préférable de choisir une monture solide, en nacre, par exemple, sertie d'or ou en vieil argent, que l'on peut faire recouvrir plus tard quand la soie est usée.

    Les volants de crépons de nuances tendres avec branches de fleurs artificielles, font fureur en ce moment, les mousselines soufre, rose ciel, avec applications et papillons en dentelle noire, les anciennes ombrelles marquises en véritable dentelle sans transparent sont les modèles les plus recherchés. Mais rien ne saurait remplacer l'encas en belle soie de nuance sombre, si commode et si confortable qu'adoptent toutes les personnes sérieuses. Cette ombrelle, au moins, sait ce que nous lui demandons, elle abrite contre les rayons brûlants du soleil et parfois contre les averses inattendues.

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