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    La mode

    Paris, le 28 avril.

    Voici venir le moment des excursions en pleine campagne, des promenades en voiture, des longues stations dehors. Le pare-poussière est de rigueur en cette saison pour affronter les nuées poudreuses des grands chemins, peut-être aussi pour se garantir un peu de la fraîcheur des soirées. Ces vêtements prennent, à cette poussée de feuilles nouvelles, des airs d'inimaginable coquetterie. On trouve, pour les ornementer, mille inventions charmantes qui vont s'imposer comme un complément direct d'une toilette élégante.

    Jamais les couturiers n'ont mieux réussi leurs modèles, bien que leur ampleur indispensable leur laisse subsister une forme vague. Cette qualité est essentielle au pare-poussière, son principal rôle étant de garantir et de ne gêner en rien la toilette qu'il dissimule. Je sais bien que quelquefois on l'emploie aussi pour couvrir un costume défraîchi, mais dans l'un comme dans l'autre cas le nouveau vêtement que le printemps de 1891 prépare fera son devoir avec élégance.

    On semble emprunter les formes nouvelles aux costumes des babys. Les jeunes femmes et les jeunes filles ne marchandent certainement pas leurs suffrages au modèle nouveau, tant il me paraît gracieux. Tout le vêtement est froncé à un empiècement de forme carrée et tombe droit devant et derrière jusqu ' au bas de la robe. Le dos forme un pli Watteau. Rien ne masquerait la taille si ce n'était une légère cambrure adroitement prise sur le côté. Les manches, indépendantes, sont montées par une tête qui - donne l'ampleur nécessaire. Pour le rendre plus élégant, on peut ajouter tout le long, devant, une chicorée de deux tons.

    On a ressuscité pour ce vêtement les surahs glacés et pointillés que portaient autrefois nos aïeules en robes de grand gala ou bien les taffetas unis et mouchetés.

    A citer encore un autre genre, en surah écossais, grande pèlerine Polytechnicien prise de biais. Tout autour du camail court une bande du même tissu prise droit fil, ce qui est d'un effet fort original. Le haut du vêtement est retenu par trois petites pattes de velours, graduées et fermées par un bouton de chaque côté.

    Malgré toutes les fantaisies qui s'introduisent chaque jour dans la mode, il est certaines Choses durables et que rien ne saurait détrôner, leurs preuves étant faites soit par une bonne qualité, soit par une nuance essentiellement pratique. Je veux parler du tissu gris argent, mi-soie et laine, créé spécialement pour ce genre de vêtement et que l'on saura difficilement remplacer. Il supporte aussi bien la poussière que la pluie. Il sert à la fois de pare-poussière et d'imperméable.

    Ce léger vêtement, malgré ses qualités indiscutables, ne peut suppléer le manteau de voyage, celui-ci se fait en drap uni ou fantaisie, c'est selon le goût. La grande redingote croisée à double rangée de grands boutons en draps mastic est le demi-genre. On peut ajouter les trois collets, ce qui lui donne beaucoup plus d'allure.

    Le mantelet de dentelle, qui a dû conserver si longtemps nos faveurs, a fini son règne, il n'est plus admis que pour les dames sérieuses. Il est considéré, comme un vêtement classique, sa forme varie peu, les pans sont aussi longs que la jupe.

    La jeune femme sort en taille dès que la température le permet. La jaquette longue, le collet Henri II, tel est le goût qui devra la guider dans le choix de sa toilette de ville. Ils sont, il est vrai, beaucoup plus jeunes que ces fouillis de rubans, de jais, de dentelles qui cachaient la taille et donnaient facilement un air vieillot.

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