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    Le naufrage de l’Utopia

    Dans la nuit du 17 au-18 mars, pendant une violente tempête du sud-ouest, le vapeur anglais L’Utopia, venant de Trieste et se rendant à New-York avec sept cents émigrés italiens, a coulé bas au moment où. il entrait dans la baie de Gibraltar, à la suite d'une collision avec les cuirassés L’Auson et le Rodney, qui étaient au mouillage.

    Tous les navires de guerre qui se trouvaient là détachèrent immédiatement leurs canots, mais la tempête qui faisait rage empêchait ces derniers d'approcher de L’Utopia. Du rivage et malgré tempête on entendait les cris déchirants des naufragés. ; A bord de L’Utopia, la collision produisit un effet terrifiant. Les Italiens se massèrent sur le pont, criant, pleurant, priant. Les matelots coururent aux canots du bord dans l'espoir d'en mettre plusieurs à-l'eau avant que le vapeur ne sombrât, mais leurs efforts furent vains.

    Le vent soulevait d'énormes vagues et l'embarcation la plus solide se serait infailliblement brisée contre les flancs du vapeur.

    Sur le pont, il y avait plusieurs bouées de sauvetage sur lesquelles les Italiens se jetèrent. Après une bataille épouvantable au milieu des ténèbres, les plus forts réussirent à se cramponner à ces bouées qui, en surnageant au-dessus du vapeur qui sombrait, sauvèrent un certain nombre d'émigrants. Le premier bateau qui arriva sur le lieu du sinistre fut la chaloupe du vaisseau-amiral qui retourna vite vers L’Auson avec une pleine charge d'Italiens. La scène, éclairée aussitôt par les réflecteurs électriques des cuirassés, était indescriptible, effrayante. La mer était comme noircie par une masse d'êtres humains qui se débattaient dans les flots. Ces malheureux poussaient des cris épouvantables. On voyait les hommes lutter sauvagement et se disputer la possession des bouées de sauvetage et des moindres épaves. Les plus faibles succombaient et disparaissaient. Malgré la- promptitude des secours et les mesures prises, le nombre des morts s'élève à 574 sur 880 personnes; qui se trouvaient à bord quand LUtopia quitta leport de Naples. Un grand nombre d'émigrants qui se trouvaient dans l'entrepont au moment de la collision furent surpris par l'eau et n'eurent pas le temps de remonter sur le pont.

    Un survivant, officier de L’Utopia, a raconté que la collision est survenue au moment où on allait jeter l'ancre. Après la collision, la scène sur le pont fut épouvantable. Les officiers anglais ne pourront jamais l'oublier. Les Italiens furent pris d'une panique irrésistible. Les femmes eurent surtout à souffrir de la brutalité des hommes. Des centaines de ces malheureuses se précipitèrent sur les passerelles, ce fut. une lutte effrayante. Les chaudières firent explosion et des grappes humaines furent précipitées dans les flots. Une cinquantaine d'émigrants furent sauvés grâce à là hauteur des mâts, dans lesquels ils avaient cherché un refuge, et qui émergèrent lorsque le vaisseau naufragé eut touché le fond de la mer. Ces malheureux poussaient des cris épouvantables qu'on entendait du rivage, malgré le bruit des flots déchaînés. La terre r a été à son comble au moment où la coque du navire a disparu. Beaucoup, parmi les passagers s'étaient réfugiés sur le rouf de l'avant, mais sous la pression de l'eau, cette partie du navire fut arrachée violemment, brisée, démolie en mille morceaux et finalement balayée par la mer avec les quelques centaines de personnes qui s'y trouvaient. Parmi les passagers réfugiés dans la mâture, il y avait des mères qui pressaient leurs enfants contre leur poitrine et essayaient de les soustraire à la fureur des vagues. Hélas! elles ne pouvaient tenir longtemps. Epuisées elles lâchaient bientôt leurs enfants. On a retrouvé des groupes de cadavres se tenant étroitement. C'étaient des hommes qui tenaient leurs femmes ou leurs enfants. Très peu de femmes ont été sauvées.

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