La mode
Les modes printanières s'annoncent gracieuses et ne le céderont en rien aux fantaisies si luxueuses de l'hiver ; l'aspect restera brillant. Pourrait-on se passer maintenant du scintillement des pierreries et du rayonnement des ors ? Tout au plus mettra-t-on une sourdine à cela pour laisser aux étoffes légères, jeunes et fraîches de couleur, leur charme et leur éclat si doux.
Tout en gardant une prédilection pour les ornements chatoyants, la toilette va s'alléger d'une foule de choses, et les broderies blanches ou écrues prendront bientôt la place des empiècements passementés. Les rubans, les entre-deux de dentelle, les rivières de jours, vont agrémenter jupes et corsages. Nous avons déjà vu des costumes de lainage rose ornés de broderies blanches et complétés par le chapeau de paille rose fleuri comme un bouquet, cela faisait rêver de soleil et de verdure. Un autre, à fine; rayures de mille couleurs sur fond crème, était aussi fort joliment garni de guipure très claire. La petite traîne est unie, c'est jusqu'ici préférable, et la robe a ainsi plus de cachet.
La partie fourreau de la jupe est garnie d'une haute bande au-dessus de l'ourlet, formée d'entre-deux de guipure et de rubans n° 4 en satin bleu pâle. Une aumônière, en entre-deux et rubans, est attachée à la ceinture par deux rubans bleus. Le corsage, très bas devant, laisse voir toute une guimpe de guipure et rubans, rappelant l'ornement de la jupe. Cette guimpe ferme par une collerette Médicis. Les manches, guipure et satin bleu pâle, sont justes jusqu'au coude ; là, une retombée bouffante, très épaulée, forme comme une seconde manche. Ce costume a beaucoup de cachet et habille très jeune. Il y a toujours, à chaque changement de saison, une garniture qui, bien qu'interprétée différemment, domine dans les ornements et semble plus particulièrement favorite de la mode.
C'est la dentelle à qui la première place est dévolue ; elle entre dans presque toutes les combinaisons des vêtements de demi-saison : on l'emploiera en coquilles, en ruches, en collerettes, en volants, pour les manches et les basques ; et comme lèse de dentelle, elle a sa place toute marquée pour les blouses de dentelle, les éventails Watteau, qui s'attachent à l'empiècement du dos, et les manches bouffantes. N'oublions pas non plus son office pour les jupes de dentelle, les manteaux longs et les mantelets. A propos de ces derniers, je ne saurais trop recommander aux femmes qui recherchent le style avant tout, les mantelets à collet ou pèlerine en dentelle blanche ou rousse, même bise ou de ton laiteux, doublés de soie rose, pervenche, jaune d'or, etc. Sur une robe dans une note plus sombre, avec un chapeau de paille très enlevé, garni de fleurs printanières, des gants de suède clair et une ombrelle en dentelle doublée comme le mantelet, ce vêtement coquet est d'un effet irrésistible, il est « fin de siècle » dans la bonne acception du mot ; c'est-à-dire qu'il éveille tout un monde de souvenirs du temps passé, une époque de coquetterie raffinée et surannée en quelque sorte, avec une pointe de modernisme qui est est la chose la plus piquante qui se puisse voir. Ce sera là le caractère bien curieux de nos modes actuelles.
Ainsi, la Renaissance fournit aux chercheurs et inventeurs de costumes nouveaux, des idées, des formes et des ornements, mais si les lignes restent nobles, la façon de le porter, le je ne sais quoi qu'on ajoute ou qu'on retranche en fait cette chose spéciale, « fin de siècle ».