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Causerie

L'insupportable question de Thermidor qui reparait toujours quand on la croit à tous les diables, fait songer à la scie du Petit Navire : Si cette chanson vous ennuie, nous allons la recommencer...

Et voici en effet que la chanson recommence. Assez ! assez ! A la porte !

M. Sardou qui, tout d'abord, avait pris des airs méprisants vis-à-vis du gouvernement dont il ne parlait qu'avec un rire sardounique, essaie de composer avec lui. I1 offre maintenant d’expurger son malencontreux mélo et d'y ajouter, pour peu qu'on le désire, une tirade sur les bienfaits de la révolution ! On n'est pas plus accommodant. I1 répand ses professions de foi dans le sein des reporters étonnés. I1 déclare notamment qu'il a toujours exprimé, dans ses pièces, ses sympathies républicaines . On pourrait lui faire observer qu'il y a différentes façons d'exprimer la sympathie.

Quand Napoléon 1er voulait exprimer sa sympathie pour quelque personne de son entourage, il lui pinçait l'oreille jusqu'au sang. Si le sang sortait, c'était le comble de la sympathie! M. Sardou, lui, trouve le moyen d'exprimer ses sympathies républicaines de telle sorte qu'il exaspère les républicains et qu'il fait la joie des réactionnaires. Le moins qu'on puisse dire de M. Sardou, c'est qu'il manque de tact d'une manière bien distinguée. Le gouvernement aurait tort de lever l'interdit, car l'auteur est bien capable de provoquer une contre-manifestation en exagérant des corrections compensatrices et en retournant complètement sa veste, qui a été une veste complète ! Il fallait une leçon aux auteurs qui méditent de transporter la politique sur les planches où elle n'a que faire.

Ils sauront désormais qu'on se brûle les doigts en jouant avec le feu.

Le dogme de la paix universelle a trouvé un apôtre convaincu en la personne de l'écrivain qui répond au nom belliqueux de Maxime Du Camp. Ce pacificateur apporte dans l'exposé de son plan, qui est le contraire d'un plan de campagne, autant de naïveté que de bonne foi. Il arrange toutes les affaires avec aisance et facilité. Son système tient tout entier en quatre petits articles. Il peut se résumer en ces termes : les nations soussignées ne pourront se faire mutuellement la guerre sans y avoir été dûment autorisées par une commission compétente qui réglera les conditions des combats, sous la réserve d'un appel au peuple.

Le bon M. Du Camp se propose d'introduire dans les pratiques de la guerre la loyauté et la haute courtoisie en usage dans les affaires d'honneur. Au lieu d’essayer de surprendre l'ennemi, on aurait soin de l'avertir, comme ce personnage de vaudeville qui, dans une discussion, disait à son interlocuteur qu’il se préparait à pousser une colle : Méfie-toi; je vais te porter un coup !

Quelque respectable que soit actuellement la chimère de la pacification générale des peuples, il est permis d'en sourire. Il est bien évident que la paix universelle est désirable, comme la santé universelle et le bonheur universel ; mais il y faudrait l'assentiment, non moins universel, ce n'est donc vraiment pas la peine d'y songer.

M. Melchior de Voguë est plus près de la vérité quand il se préoccupe non de supprimer la guerre d'un commun accord, mais d'essayer d'en adoucir un peu les lois. On a déjà obtenu quelques résultats à ce point de vue. La sauvagerie première a cédé, par exemple, devant le respect dû aux blessés. La croix rouge des ambulances circule librement, au milieu des armées aux prises. Elle est même épargnée par les projectiles des bombardements. Les prisonniers sont traités avec moins de basse cruauté qu'autrefois ; on pourra faire mieux encore sans modifier en rien les chances de la victoire. La destruction d'une ville ouverte devrait être aussi rejetée comme un acte de brigandage.

Mais il faudra se borner à ces quelques conquêtes de la conscience sur la férocité, et reléguer dans les profondeurs nébuleuses de l'avenir les accommodements imaginés à bonne intention par M. Du Camp, qui abuse un peu des... maximes !

On vient d'expérimenter avec succès, à l'Opéra de Paris, dans Rigoletto, un système d'éclairs orageux sur lequel j'appelle l'attention de la direction du Grand-Théâtre. Ces éclairs donnent l'illusion complète des zig-zags aveuglants de la foudre. On y joint des effets nouveaux de pluie battante tout à fait, saisissants. C'est à ouvrir son parapluie !

L'inventeur avait envoyé de l'étranger aux directeurs de l'Opéra une caisse contenant les échantillons de ses appareils et il les avait fait facturer sous le nom qu'il leur donne dans sa fabrique : Une caisse d’orages . A la frontière, les douaniers ont lu : oranges, et ils ont appliqué à ce colis peu ordinaire le tarif des fruits frais!

Ceci me rappelle une autre drôlerie douanière. I1 y a quelques années, la Patti, arrivant d'Amérique, débarqua à Lisbonne avec une caisse de couronnes de lauriers dans ses bagages. C’étaient les témoignages allégoriques de l'admiration des citoyens du nouveau Monde pour la célèbre cantatrice. Les douaniers portugais, penchés sur cette caisse de trophées, méditèrent longuement, puis enfin ils se décidèrent à classer et tarifer les couronnes de lauriers comme épices fines.

Après avoir chanté dans la capitale du Portugal, la Patti se rendit en Espagne, toujours avec ses couronnes de lauriers augmentées de quelques autres. La douane espagnole éprouva des perplexités analogues à celles de la douane lusitanienne, et elle finit par taxer les couronnes de lauriers comme plantes médicinales !

C'est que la gloire artistique ne figure pas encore sur les tarifs de transit. Sic TRANSIT gloria mundi !

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