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Causerie

Avez-vous lu dans les journaux la fâcheuse aventure qui vient de survenir à deux amoureux parisiens dont la promenade sentimentale s'est dénouée devant le tribunal correctionnel ? Leur crime ? Ils se sont aimés un jour de printemps...

A vrai dire, ils ont eu tort de s'aimer dans un bois. Non pas au légendaire bois de Bagneux où, d'après la vieille chanson, il fait si bon cueillir la fraise quand on est deux, mais au bois de Boulogne. C'était au fond d'un hallier, dans un de ces coins cachés du grand parc parisien, semblables à une vraie forêt par la solitude et l'ombre. Ils avaient vingt ans, ils s'adoraient; il y avait de l'amour épars dans l’air ensoleillé presqu'autant qu'au fond de leur coeur : nos deux fiancés prirent donc un avancement d'hoirie sur leur mariage prochain.

Jusqu'à, présent la chose rappelle la romance du Petit Duc.

C'est une idylle et voilà tout.C'est une idylle dans le goûtDe Théocrite et de Virgile...

Mais, au temps des idylles, il n'y avait Point de police. Daphnis et Chloé n'avaient pas à redouter l'intervention intempestive d'un bon procès-verbal. II y a des gardes au bois de Boulogne que ne connaissaient pas les bois sacrés de la Grèce ni les pampres touffus du Pausilippe. On peut, il est vrai, y couper les arbres comme on veut, quand on est le prince de Sagan. Seulement, de par la loi, il est défendu de s'y aimer, même pour le bon motif. On le fit bien voir aux deux délinquants qui furent bel et bien convaincus d'outrage public à la pudeur, poursuivis comme tels et condamnés à deux mois de prison, avant d'avoir pu, « corroborer » devant M. le maire plus régulièrement qu'au fond du bois. Triste fin pour une simple églogue !

Heureusement, et c'est là un trait charmant, le tribunal a eu l'esprit de leur accorder le bénéfice de la loi Béranger. Infortuné sénateur ! Implacable et comique ironie des choses ! Avoir mérité le beau surnom de Père la Pudeur et protéger sans le vouloir les outrages infligés à icelle !

Le hasard est décidément un « ironiste » autrement fort que nos plus distingués professionnels...

« Les Départements mis envers, par Malte-Blond », tel est le titre tintamarresque d'une géographie plus tintamarresque encore, que vient d'éditer en une charmante plaquette illustrée l'éditeur Ollendorff. Par des calembours et des à-peu-près, l'auteur s'est proposé d'apprendre les départements de France aux petits enfants qui ne les savent pas encore et aussi, je pense, aux grands qui ne les savent plus.

Il y a d'amusantes calembredaines dans ce recueil. Quelques-uns des vers mnémotechniques sont un peu tirés par les cheveux, et sans les dessins humoristiques qui les commentent d'un crayon si net il faudrait réfléchir un peu pour les comprendre. Mais la plupart sont de très ingénieux coq-à-1'âne. J'en extrais, pour les lecteurs du Progrès Illustré, ceux qui se rapportent à la région lyonnaise :

AIN — Bourg : Ainsi toute la France est mise en calembours.

ARDÈCHE — Privas : L'art des chercheurs jamais de rien ne se priva.

CANTAL — Aurillac : Quant à Laure, il y a que Pétrarque l'aima.

CÔTE-D'Or — Dijon : Dis, John, que fait Cocotte ? — Monsieur, Cocotte dort.

DOUBS — Besançon : Baisant son petit pied, qu'il trouvait cela doux !

DRÔME — Valence ; Va, lance ton cheval dans le vaste hippodrome.

JURA — Lons-le-Saunier : Il jura, ce fut long, le sceau n'y était pas.

RHÔNE — Lyon : Sur des peaux de lions le trône était dressé.

SAÔNE-ET-LOIRE — Mâcon : De tabac, ma concierge a souvent son nez noir.

SAVOIE — Chambéry : Lâche en berri mouton, il y trouvera sa voie.

HAUTE-SAVOIE — Annecy : Ote sa voix à l’âne et scie à l’ours sa griffe.

Je cite encore parmi les autres départements :

CORRÈZE — Tulle : Le tulle est un tissu qui vous rend le corps aise.

LOZÈRE — Mende : J'ai cru pouvoir l’oser et je suis à l'amende.

Et enfin la SEINE-INFÉRIEURE — Rouen : Ténor s'enrouant rend la scène inférieure.

Grâce à mon livre, dit plaisamment l’auteur dans sa préface, Un jour viendra bientôt où cessera d'être vraie cette définition admise à l'étranger : Le Français est partout reconnaissable à ces deux signes : il porte des moustaches et il ignore la géographie.

Quel géographe d'esprit que ce Malte- Blond !

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