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Femmes de ministres (Suite et fin)

MADAME RIBOT

D'origine américaine. Grande, élancée, le nez d'une rare distinction, des yeux expressifs dont l'éclat s'harmonise heureusement avec ce teint diaphane qui est le privilège de quelques femmes du Nord. La chevelure opulente, blond châtain, toujours relevée en coquille, quelle que soit la mode, suffirait à lui constituer une personnalité. La toilette, d'un goût sûr, dessine des lignes irréprochables.

Pas un bijou.

Son premier soin, en arrivant au quai d'Orsay, a été de faire changer les tentures du grand salon dont la nuance heurtait son teint.

D'une intelligence au-dessus de la moyenne, grande dame sans effort et sans pose, digne, parfois même un peu froide, tout en restant gracieuse, a su donner à sou salon une physionomie tranchant avec l'amabilité plus ou moins banales de beaucoup d'autres ministères.

Très goûtée dans le monde diplomatique, possède une certaine influence sur ses ambassadeurs et sur son mari, qui apprécie sa petite pointe d'ambition.

Signe particulier : Va en tramway.

MADAME RICARD

D'une famille de magistrats. Taille moyenne, assez forte, grisonnante, rappelant un peu, par sa petite tête souriante, et son nez infléchi, la miniature de Mlle Meyer.

D'une élégance recherchée, bien comprise, présentant un contraste inattendu avec l'allure funéraire des chevaux sûrs attachés à son coupé.

Ne sort guère sans être accompagnée de ses dames d'honneur — les deux plus jolies femmes de la «justice» — et croirait compromettre le sort du Cabinet, si elle manquait une occasion d'occuper son tabouret à l'Elysée.

Reçoit fort bien. Fourchette électrique et légère, s'entend à merveille à flatter l'estomac de ses invités.

Plus simple dans l'intimité, adorant la nature et les fleurs, marraine d'une rose, elle occupe les loisirs que lui laissent le monde et la photographie à ramasser les feuilles mortes faisant tache sur le sable du jardin ministériel. Excellent coeur au fond, très avenante, fidèle aux vieux amis, même aux humbles et aux inutiles, ne décidant rien sans consulter son mari, plaît beaucoup à son entourage qui se demande avec une certaine inquiétude ce qu'elle deviendra, si jamais le Cabinet est renversé.

MADAME DE FREYCINET

De taille au-dessus de la moyenne, forte, figure pleine, ovale, au teint coloré, le nez sévère, un peu recourbé, le regard parfois intimidant malgré une préoccupation visible d'erre aimable. Portant bien la toilette, mais de mise très simple, avec des corsages sombres ajustés faisant ressortir l'inclinaison étudiée du buste.

Nature foncièrement droite dont le parisianisme tempère la rigidité protestante. Aristocrate par vocation, républicaine par devoir, parle peu, ne se livrant jamais, et reste en dehors des coteries et des intrigues de la politique pour ne s'occuper que de ses pauvres et de son mari.

D'une santé délicate, vit très retirée dans un petit hôtel de la rue de la Faisanderie, confiant à sa fille le soin de la représenter aux cérémonies officielles, et ne sort guère que pour aller féliciter Mme Carnot des succès de ses enfants.

MADAME BURDEAU

Une créole ravissante, avec des yeux noirs et brillants comme le velours, un peu rêveurs, et dans la voix des caresses d'un charme infini. Sa timidité souriante, son affabilité expansive lui font pardonner d'être la plus jolie femme du Cabinet. Vingt-huit ans à peine. Déjà veuve, a épousé son beau-frère. D'une intelligence supérieure, douée d'une rare faculté d'assimilation, évite de parler « torpilleurs » ou « budget »; et consacre une grande partie de son temps à l'éducation de ses enfants.

A Berlin, où elle accompagna son mari lors du Congrès ouvrier, on la cite comme le type de l'élégance française et de la grâce parisienne.

MADAME DEVELLE

Fille d'un banquier de la rue du Quatre-Septembre. Trente-quatre ans, élancée, gracieuse, une figure chiffonnée avec un agréable petit air mutin de gamin de Paris bien élevé.

Femme très en dehors, spirituelle; contrairement à son mari, d'humeur toujours égale, insouciante du qu'en dira-t-on. A su habituer le monde officiel à un laisser-aller de bonne compagnie rendant ses boutades sans conséquence.

Enchantée de pouvoir rendre un service, s'effaçant affectueusement devant sa mère qui tient à lui faire les honneurs du salon ministériel.

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