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    Le général Berge

    Le Concours international de tir qui vient de se terminer, après avoir eu un si grand succès, est l'œuvre du général Berge. C’est grâce à son initiative et à sa haute intervention qu'il a été tenu dans la seconde ville de France. L'importance de ce concours ne saurait échapper à personne, puisqu'il a provoqué des manifestations sympathiques vis-à-vis de la nation Suisse et de nos amis d'Italie, dont l'écho vibrera longtemps.

    Nous somme certains d'être agréables à nos lecteurs et de laisser à tous les étrangers venus à Lyon un souvenir précieux de leur séjour parmi nous, en publiant le portrait et la biographie de l'un des plus illustres soldats de la France.

    Quand il s'agit d'un homme comme le gouverneur de Lyon, les phrases sont inutiles, les faits suffisent et leur éloquence parle toute seule.

    Le général Berge (Henri) est né à Paris le 18 septembre 1828. Fils d'un général de division d'artillerie du premier empire, petit-fils d'un des premiers héros des guerres de la Révolution, il sortit de l'Ecole polytechnique en 1819, de l'Ecole d'application de Metz en 1851, avec le n° 1 de la promotion.

    Le jeune lieutenant fut envoyé en Crimée dès les débuts de l'expédition. A la bataille de Traktir, il est de cette fameuse batterie dont le général Jamont faisait partie et qui arrêta, avec une admirable audace, la marche en avant de l'ennemi. Dans cette journée, le lieutenant Berge reçut une balle à la nuque. A peine guéri de sa blessure, il reprend son poste. A la bataille de la Tchernaïa il se distingue par son coup d'oeil et son intrépidité. Le 22 août 1855, il est décoré pour sa belle conduite. Le 1er novembre suivant, après la prise de Malakoff, il est nommé capitaine.

    Le capitaine Berge fit encore la campagne du Mexique, où il resta deux années. Il fut cité à l'ordre du jour du corps expéditionnaire et nommé officier de la Légion d'honneur en 1863, pour sa brillante valeur à la bataille de San Lorenzo.

    Rappelé en France en 1864, il est nommé chef d'escadron, devient membre du Comité d'artillerie et est chargé par le maréchal Niel de plusieurs missions délicates à l'étranger.

    Dès le début de la déclaration de guerre à l'Allemagne, le commandant Berge est placé à l'armée du Rhin. Il prend part à toutes les grandes batailles sous Metz. Le 18 août à Saint-Privat, il est de ces batteries héroïques dirigées par le général de Berckheim, qui soutiennent les efforts du corps et luttent avec une énergie désespérée, contre le formidable déploiement de l’artillerie prussienne. Au plus fort de l'action, le commandant Berge reçoit une blessure à l'omoplate droite; au moment où il chancelle, un obus éclate sous le ventre de son cheval ; cheval et cavalier roulent sur la terre inondée de sang.

    Six jours après, il était promu lieutenant-colonel. Prisonnier de guerre par suite de la capitulation de Metz, il fut, après son retour, attaché à l'armée de Versailles et nommé en 1872, colonel du 13° régiment d'artillerie à Vincennes. Appelé à la direction de l'artillerie au ministère de la guerre, le 31 août 1873, il occupa ces fonctions jusqu'au 12 juin 1877. Le 30 septembre 1875, il avait été promu général de brigade.

    Après avoir été un artilleur incomparable, le général Berge voulut connaître à fond le dur et pénible métier de fantassin. Profilant de la faculté que la nouvelle organisation de l'armée donne aux officiers généraux de servir dans toutes les armes, il obtint le commandement d'une brigade d'infanterie de ce beau 6e corps, porté en sentinelle avancée, en face de l'Allemagne. Général de division le 19 février 1880, il fut nommé commandant de la 12° division militaire à Rennes, et chargé de l'inspection permanente des écoles de tir. On ne s'étonnera plus de l'intérêt si grand que porte le général Berge à tout ce qui regarde les feux des armes portatives. Il a été fait commandeur de la Légion d'honneur, le 20 août 1874 ; investi du commandement du 10e corps le 24 février 1884 ; grand Officier de la Légion d'honneur, Gouverneur militaire de Lyon et commandant du 14e corps, il y a trois ans.

    Il a aujourd'hui 45 ans de services, 9 campagnes, deux blessures et une citation.

    On doit énormément au général Berge pour la réforme de noire matériel d'artillerie. C'est grâce à ses efforts, à sa volonté que rien ne rebute, à sa science, que notre artillerie de campagne et l'armement de nos places de guerre furent rapidement remis en état.

    Le gouverneur de Lyon est fort apprécié dans les hautes régions militaires, aussi bien h l'étranger qu'en France, pour sa brillante intelligence et sa profonde connaissance de toutes les choses de la guerre. Partout il est considéré, chez nos voisins et chez nous, comme l'un des premiers généraux de notre armée.

    Tout, le monde connaît à Lyon la belle tête si énergique, si fine néanmoins, et si expressive tantôt de fermeté, tantôt de bonté, du gouverneur. Son étonnante vigueur physique égale sa puissance intellectuelle. Pendant quatre mois de l'année, il.est presque continuellement dans les Alpes, ne fait ses fatigantes tournées qu'à pied, et montre une hardiesse vraiment audacieuse dans les dangers de montagne qu'il affronte. Portant le béret et les bandes molletières des soldats alpins (seul costume pratique pour escalader les grandes hauteurs), il donne du coeur à ses vaillants petits chasseurs qu'il affectionne particulièrement et qui le lui rendent par l'admiration enthousiaste et l'attachement qu'ils ont pour lui.

    La confiance qu'il a inspirée à toute son armée des Alpes, qui l'a vu sur tous les points de son terrain de combat est absolument énorme. On peut compte que s'il avait à se mettre à la tête de ses troupes pour défendre la frontière et la patrie, la valeur de son armée, serait décuplée par sa confiance en son chef.

    POINT D'HISTOIRE ABSOLUMENT INEDIT

    Nous avons dit que le général Berge est d'une illustre famille de soldats. Elle est originaire des basses-Pyrénées. Son grand-père fait partie de ces héroïques combattants, dont l'histoire a été écrite par le colonel Fervel, et qui défendirent notre frontière du sud-ouest contre les Espagnols au commencement de la Révolution. Il fut tué à la bataille de Collioure. Il avait alors quarante ans et laissait un jeune fils à peine âgé de quatorze ans.

    L'orphelin fut recueilli par le célèbre mathématicien Hachette , l'un des fondateurs de l’Ecole Polytechnique. Hachette emmena avec lui à Mézières l'enfant qui devait être le père du gouverneur actuel de Lyon . Il lui fit apprendre les mathématiques, le conduisit sur le champ de bataille de Fleurus où il monta avec lui dans le fameux aérostat captif qui observait les mouvements de l'ennemi.

    Lors de la fondation de l'Ecole Polytechnique, le jeune Berge y entra avec le n°1. Il en sortit officier d'artillerie en 1790.

    Le célèbre Monge, qui avait apprécié son savoir l’employait dans le laboratoire de chimie où se faisaient toutes les expériences destinées à donner à la France de la poudre et des munitions.

    Un jour Bonaparte, alors sans emploi, peu de temps avant son immortelle campagne d'Italie, vint visiter Monge. Il y rencontra le jeune collaborateur de l'illustre savant, fut frappé de son intelligence et le classa dans son esprit pour s'en servir à l'occasion.

    Cette occasion se produisit en 1803 et d'une façon tout à fait intéressante, et qui est l'un des traits les plus curieux et les moins connus de notre histoire.

    Bonaparte voyant qu'après la paix d'Amiens les Anglais refusaient d'évacuer Malte, songea à leur opposer un contre-poids dans la Méditerranée.

    Reprenant une ancienne conception de la vieille politique, nationale, conception de l'ancienne monarchie, et de la Convention, il jeta les yeux sur Alger et se demanda s'il ne serait pas possible de s'emparer de la Régence.

    Le prétexte était facile, les pirates algériens ne cessant d'infester la Méditerranée. Il fit appeler le jeune officier qu'il avait rencontré chez Monge, et qui était alors le chef d'escadron Berge, et le chargea de partir avec un vaisseau dont il serait le maître, pour aller faire des observations au Dey et préparer habilement les bases d'une expédition future.

    Le commandant Berge s'acquitta de sa mission d'une façon merveilleuse. Il put passer à travers la flotte anglaise et jeter l'ancre dans la rade d'Alger, au milieu des navires turcs. Le Dey le reçut avec force compliments et protestations de respect pour la République de Bounabarde.

    Le commandant Berge put rester quelques jours dans la ville. Il en profila pour lever lui-même plusieurs plans fort exacts et suffisamment détaillés de la Place et de ses environs. Réemabarqué, il opéra le sondage de la rade avec une balle au bout d'une ficelle, et revint en France muni de ces premiers renseignements.

    Les évènements qui se déroulèrent sur le continent ne permirent pas qu'une suite fût donnée à ces projets.

    Mais un double des croquis du commandant Berge, devenu général et l'un des héros de la guerre d'Espagne et de la campagne de France, avait été déposé au ministère de la guerre.

    En 1827, lorsque la Restauration prépara l'expédition de 1830, dont le fameux coup d'éventail ne fut que le prétexte, c'est avec les plans et les mémoires du général Berge. Il avait été désigné pour commander l'artillerie de l'armée de débarquement. Mais M. de Bourmont ayant été choisi Comme général en chef, on conçoit très bien que le fils du héros de Collioure, le jeune polytechnicien de Fleurus, le soldat intrépide des grandes guerres, ne pouvait se trouvera côté du transfuge de Waterloo.

    La ville natale du premier général Berge lui a élevé un monument, inauguré il y a deux ans.

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