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Causerie

Si universel et si profondément ressenti que soit un deuil comme celui que porte la France, il faut cependant en sortir pour reprendre la lutte et le labeur quotidien. En ce monde, la vie sans cesse côtoie la mort, et malgré les voiles de crêpe et les cérémonies funèbres, le soleil n'en est pas moins fécond et radieux.

A Lyon, l'activité renait tous les jours, succédant à l'accablement qui suivit l'horrible tragédie. La grande cité a repris son aspect ordinaire et à l'Exposition le public afflue, nombreux et charmé, avec le même empressement qu'avant la date fatale du 24 juin.

Il est possible maintenant d'établir une comparaison entre l'Exposition de Lyon et celle d'Anvers. De l'aveu de tous ceux qui ont vu les deux, l'avantage indiscutablement appartient à la grande entreprise de M. Claret. Si les Belges ont su peut-être battre plus bruyamment la grosse caisse autour de leur exhibition, cette réclame moins justifiée qu'habile n'empêche pas l'Exposition de Lyon d'être beaucoup plus complète, beaucoup plus considérable et beaucoup plus intéressante.

A part la reconstitution du vieil Anvers, qui est parait-il d'un archaïsme assez curieux, rien chez nos voisins ne peut soutenir le parallèle avec notre grande coupole si hardie et si imposante, avec la section coloniale dont les pittoresques palais renferment tant de merveilles exotiques, avec le parc de la Tête-d'Or — écrin sans rival, qui entoure ces oeuvres d'art ou d'industrie de toutes les grâces de la nature.

Anvers aurait beau faire, et le roi des Belges lui-même se transformer en artificier, elle ne saurait non plus organiser des fêtes de nuit comme celle de dimanche, qui fut un éblouissement magique. Je ne sais qu'un endroit au monde où il serait possible de tenter mieux, c'est au parc de Versailles. Mais ils ne l'ont pas en Belgique !

Peut-être avait-on un peu négligé jusqu'à présent le coté «amusements» au parc de la Tête-d'Or. L'Exposition était dans tout son éclat grandiose, supérieurement instructive comme leçon de choses, mais aussi un tantinet sérieuse et presque trop solennelle. Nous avions bien les villages d'Afrique et d'Asie et surtout la petite cité annamite, les danses du ventre, les Aïssaouas, les « goums » arabes. Malgré cela toute cette immense enceinte manquait un peu de concerts, de représentations théâtrales, de régates sur le lac, de bals champêtres, que sais-je encore ? Aujourd'hui tout cela bat son plein. M. Claret fils est l'organisateur de cette joyeuse partie de l'Exposition.

On peut être sûr que le programme qu'il s'est tracé répondra à toutes les promesses. Car il ne suffit pas qu'une Exposition soit grande et belle, il faut encore qu'elle soit toute grouillante d'animation, d'attractions multiples et d'allégresses sans cesse renouvelées.

Les lecteurs du Progrès Illustré s'intéressent j'en suis sur, aux courses vélocipédique qu'organise le Progrès et qui seront données à la fin du mois : mille kilomètres, de Lyon-Paris et retour pour les professionnels, les grands artistes de la pédale; quatre cents kilomètres, Lyon-Dijon et retour, pour les simples amateurs, — avec de gros prix en argent pour les premiers et des objets d'art pour les seconds.

C'est une grosse besogne et un grand effort dont le Progrès s'est chargé là. Mais le « cyclisme » est aujourd'hui un sport si populaire qu'on ne saurait trop l'encourager et en favoriser l'essor. Cette fin de siècle appartient à la bicyclette, l'infatigable cheval d'acier qui supprime la distance et diminue les frais de route au point de permettre aux moins fortunés de devenir touristes aux heures de loisir.

A l'heure présente la vélocipédie est étroitement liée à l'éducation physique des Français, et on ne conteste même pas son utilité au point de vue de la défense nationale. Elle a reçu enfin la consécration suprême, celle qui est la plus indispensable en ce pays de Finance, terre classique de la galanterie : les femmes elles-mêmes s'adonnent à la bicyclette avec passion et le guidon va aussi bien que l'éventail à leurs jolies mains.

Aussi nos courses excitent-elles un intérêt qui va chaque jour croissant. Le parcours Lyon-Paris-Lyon n'a pas encore été établi dans une épreuve régulière : Il faut voir avec quelle ardeur les « cercles de la pédale » en discutent les pronostics ! Le record Lyon-Dijon-Lyon, réservé aux innombrables cyclistes amateurs, pour être peut-être moins sensationnel, aura sans doute plus d'utilité pratique et mettra en ligne des concurrents plus nombreux. Bref, ce double tournoi du « pneu » s'annonce comme un gros événement sportif.

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