La mode
Avec quels joyeux sourires saluons-nous les premiers rayons du soleil, dont avril jusqu'ici s'est montré si peu prodigue. Tout revit ; les Heurs éclosent sous les bienfaisants rayons de Phébus, les feuilles montrent timidement les bourgeons à demi-crevés, tout comme les hauts de manches à la mode. Ce renouveau met les élégantes en hâte d'inaugurer les toilettes nouvelles, les chapeaux merveilleux prêts pour les réunions sportives de la dernière quinzaine qui ont été si peu favorisées par le ciel inclément. Aussi ce n'était que sous de disgracieux imperméables, d'épaisses mantes, que l'on affrontait la bise encore glaciale des jours passés.
La robe tailleur semble tenir le premier rang dans la toilette féminine. Pour les promenades, certes, il n 'y a rien de mieux, de plus comme il faut et surtout de plus pratique que ce genre de costume, avec le corsage à basques longues s'ouvrant sur un gilet de fantaisie, qui peut dispenser de jaquette. En deux mots je vous décrirai un de ces modèles nouveaux.
En drap granit, jupe fourreau avec un haut ourlet souligné de trois soutaches d'or, corsage long avec poche et trois petits revers également soutachés d'or. La toilette se termine volontiers avec un bouton de rose naturelle à la boutonnière.
Saluons pour l'été, la légère grenadine à grands bouquets, la batiste transparente à entre-deux de dentelles, le cora de Chine, si durable, le barège transparent. Toutes les étoffes, floues et nuageuses avec flots mousseux de crêpe de nuances tendres attendent les premières journées ensoleillées pour taire leur apparition. Les volants à baldaquins, pour la robe légère, sont de plus en plus en vogue. Hauts devant, ils se terminent très bas derrière; ou encore sur les côtés ils sont très élevés et se terminent en un petit choux devant.
Et dans les chapeaux, que de caprices encore. Les bords deviennent de plus en plus petits. On passe d'une extrémité à l'autre. 11 y a peu de temps on ne savait pas où les grands chapeaux s'arrêteraient dans le royaume de l'extravagance; aujourd'hui ils deviennent petits, petits, les bords à peine de 0,10 c. La paille de riz blonde avec couronne de roses blanches et ailes noires posées en Mercure devant et cache-peigne derrière est le clou de la saison. Ce même chapeau se fait en toutes nuances, mais toujours avec couronne de fleurs sans aucun feuillage et ailes noires de préférence, quelles que soient les nuances choisies.
On fait aussi des formes plates avec bavolet qui, au lieu de cacher la nuque, se retroussent derrière et s'arrondissent autour du chignon à la grecque. En dehors des fleurs que l'on portera en masse, je vous signalerai de merveilleux rubans fond blanc à rayures vert d'eau et noir et léger filet or. On en garnit surtout les immenses capelines de paille d'Italie qui feront prime aux beaux jours pour la campagne, et que l'on chiffonne d'après sa physionomie.
I1 n 'y aura pas de forme plus ou moins admise pour ce genre de chapeau. Chacun le portera à sa guise.
Un mot sur les manches qui, cette saison, semblent accaparer à elles seules toute l'ingéniosité des couturières. C'est au règne de Henri II que nous devons les manches, parfaites surtout pour la toilette très élégante, tout en tulle ou crépon léger, rayée de bandes de velours doublées et posées en gaudrons sur le haut ; retenues simplement au coude et au poignet. Puis nous avons aussi, pour les robes plus simples, les manches avec tête froncée très ample mais peu épaulée ; puis la manche serrée par trois bracelets de fronces ou de galons. La variation en est grande, je signale les plus réussies et les plus nouvelles.





