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Causerie

On s'occupe tant des malfaiteurs tout le long de l'année, qu'on en oublie les hauts faits des braves gens.

Ces derniers méritent pourtant bien aussi quelque attention. Dans un rapport adressé au ministre de la Marine, de nombreux actes d'héroïsme obscur viennent d'être mis en lumière.

Le plus admirable est celui d'une jeune Hollandaise, Mlle Catherine Van Rantwyk, qui a exposé vaillamment sa vie en se jetant à la mer pour sauver un matelot français que ses forces épuisées allaient trahir après un naufrage, et qui était près d'être englouti. La jeune fille parvint à ramener le naufragé sur la grève et aussitôt, épuisée elle-même et brisée par l'émotion, elle tomba évanouie.

Cet acte de dévouement a été récompensé par le président de la République, au moyen d'une médaille d'or.

On ne saurait trop honorer les héros du dévouement, ces coeurs vaillants qu'on trouve toujours prêts pour tous les sacrifices. Ils ont vraiment la vocation du bien. On remarquera qu'il est rare que les sauveteurs s'en tiennent à un premier exploit. Quand un danger se présente, ils accourent avec la résolution calme qu'inspire le sentiment inné du devoir. Ils n'ont pas appris dans les livres qu'il est beau de faire le bien au péril de la vie. Ils l'ont appris tout seuls, sans le secours d'aucun maître.

On connaît le mot de ce général qui parlant des soldats en temps de guerre, disait : Ce sont toujours les mêmes qui se font tuer ! On peut dire aussi que ce sont toujours les mêmes héros qui font les sauvetages.

Il y a des familles vouées au dévouement, comme par exemple celle de Sellier, le ténor, qui a toute espèce de bonnes raison pour bien enlever les airs de bravoure. Dans cette famille là on est sauveteur de p è r e en fils. Dernièrement, dans une cérémonie publique on me montrait, d'autre part, deux frères dont la large poitrine était criblée de médailles de sauvetage. Celui qui paraissait le cadet en avait bien, pour sa part, trois demi-douzaines. S'il n'a pas trouvé la mort dans quelque héroïque aventure, je suis sûr qu'il continue à enrichir sa collection. Les gens de cette espèce nous consolent du spectacle de l'égoïsme cynique malheureusement trop fréquent.

Un médecin parisien prétend avoir découvert le moyen de guérir la surdité. Outre que je n'ai qu'une foi médiocre en cette découverte, encore insuffisamment contrôlée, il me semble que la surdité n'est pas une infirmité bien redoutable. Il se dit tant de sottises, et l'on fait tant de mauvaise musique qu'il y a souvent un sérieux avantage à ne pas entendre.

Un homme de beaucoup d'esprit qui et très dur d'oreille, causait dernièrement de la surdité et de ses conséquences. Tout à coup, tirant de sa poche un cornet acoustique :

Voyez-vous, dit-il, ce petit instrument ? C'est mon meilleur ami. Quand .je vais dans une maison et que j’y aperçois des visages nouveaux, je me demande tout d'abord avec inquiétude si je vais avoir affaire à des gens d'esprit ou à des imbéciles. J'approche ce cornet de mon oreille et si je reconnais que ce sont des sots, je le remets aussitôt dans ma poche en me disant : « Je les délie bien de m'ennuyer ! »

Mais tous les sourds n'ont pas cette douce philosophie. Ils ont, au contraire, en général, la manie de ne pas convenir de leur infirmité.

J’en ai connu un qui poussait cet amour propre à ses limites extrêmes. Un jour, un de ses amis qui connaissait cette faiblesse, imagina le moyen suivant de la constater. En passant rue de la République, il aperçut le sourd sur le trottoir opposé, il lui fit signe pour appeler son attention ; puis, mettant ses deux mains sur ses joues en guise de porte-voix, il ouvrit la bouche toute grande comme s'il criait à pleins poumons, mais, en réalité, sans produire aucun son. Le sourd, très vexé, traversa la rue et vint à lui en lui disant avec humeur :

Eh! que diable, mon cher ami, tu n'as pas besoin de brailler comme ça ; on doit t'entendre à la Croix-Rousse!!

Une grève moins grave que celle des mineurs, mais autrement originale, vient d'éclater parmi les demoiselles qui desservent en Danemarck les buffets des chemins de fer de l'Etat. L'administration ayant interdit à ces jeunes personnes de se coiffer à la froufrou, elles ont préféré renoncer à leurs tabliers plutôt qu'à leurs frisons. Voilà de la coquetterie poussée jusqu'à l'héroïsme. Mais en quoi le froufrou est-il incompatible avec l'art de servir aux voyageurs, pendant les vingt minutes d'arrêt traditionnelles, le turbot sauce hollandaise et le filet champignons? C'est un mystère que les hauts fonctionnaires des railways danois feraient bien d'expliquer à l'Europe attentive.

C'est seulement ces jours-ci que le printemps, dont le début officiel remonte au 20 mars, semble vouloir se manifester, ça et là. Il faut pourtant se méfier des mauvais tours de la lune rousse dont l'influence pourra s'exercer encore; jusqu'au 8 mai. Ce qu'il y a de plus sûr c'est que les jours croissent ce mois-ci, de près de sept quarts d'heure. Un pauvre employé a dit, à ce propos, un mot d'une superbe naïveté. Sa bourse étant à sec, il attend la fin du mois avec une fébrile et légitime impatience.

Pour comble de malheur, s'est-il écrié, les jours s'allongent! S'ils diminuaient, au moins, la fin du mois arriverait plus vite !...
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