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    La fin d’une Princesse

    Des bateliers repêchaient jeudi matin, 9 avril, dans la Seine, à hauteur du pont de Clichy, prés du grand égout collecteur, deux cadavres attachés l'un à l'autre, comme ligottés à l'aide d'une forte corde. La femme, une vieille à cheveux blancs, paraissait approcher de la soixantaine; son compagnon pouvait avoir soixante-dix ans.

    M. Lahussière, commissaire de police, immediatement avisé, se transporta, accompagné du docteur Lehmann, sur la berge où les deux corps avaient été déposés.

    Tout d'abord, le magistrat crut à un crime, mais, après les premières constatations médicales, les victimes ne portant aucune trace de violence, il abandonna cette hypothèse.

    Des papiers de famille, recueillis dans un sac trouvé dans les vêtements de la femme, permirent d'élablir son identité.

    C'était une dame Alexandrina de Fischer, née princesse de Markoff, appartenant à une famille des plus aristocratiques de Sainl-Pétersbourg. Son mari, dont on découvrit l'acte de décès parmi des parchemins, avait été, durant les dernières années de sa vie, sénateur de l'empire russe.

    Quand à son compagnon, dont l'identité fut établie après enquête, il se nommait Pierre Métivier. Tous deux habitaient à Paris, 217, faubourg Saint-Honoré.

    Mme de Fischer, qui était aveugle et âgée de soixante-deux ans, avait pris à son service — il y a plusieurs années de cela — Pierre Métivier, âgé lui-même de quatre vingt-deux ans. Mais cet honune avait pris sur elle un tel empire qu'elle en était arrivée à ne plus dissimuler ses sentiments à son égard.

    Une nièce de Mme de Fischer lui avait servi, jusqu'à l'année dernière, une rente annuelle de 8 000 fr. ; mais, à cette époque, par suite de la faillite d'un théâtre do Saint-Pétersbourg qu'elle commanditait, elle dut diminuer cette subvention. C'est alors que la famille de Fischer, désireuse avant tout de soustraire son alliée à la fâcheuse influence qu'elle subissait, l'invita à entrer dans un asile dé vieillards. La vieille dame, ne pouvant se faire à l'idée de quitter Métivier, refusa net. Toutefois, comme les rentes qui leur restaient ne suffisaient plus aux exigences des deux vieillards, ils décidèrent de se suicider ensemble. 11 y a un mois environ, ils tentèrent de s'asphyxier dans leur chambre ; mais une de leurs voisines, Mme de Ch...fit échouer cette première tentative. Mercredi soir, Mme de Fischer donnait congé à sa propriétaire, alléguant qu'elle se sentait souffrante et qu'elle avait besoin d'aller se remettre à la campagne. Elle partit avec Pierre Métivier et Mme de Ch.... qui avait tenu a les accompagner jusqu'au pont de Clichy. A peine cette dame avait-elle quitté les deux vieillards qu'ils s'attachaient l'un à l'autre avec une corde et se jetaient dans la Seine.

    Notre dessin représente les bateliers retirant de la Seine les victimes de ce drame extraordinaire et lugubre.

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