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    La mode

    Paris, le 13 avril.

    Tout comme les petites filles, notre époque est vouée au blanc. Mariage blanc offert par le délicat Jules Lemaître dans la maison de Molière; hier, bal blanc chez la gracieuse vicomtesse de T…, dans son idéal hôtel de la rue des Ecuries-d'Artois. N'est-ce point une blanche période que celle qui voit prénarer les toilettes des innocentes communiantes et qui préside enfin à la confection hâtive des costumes d'épousées que le carême avait suspendus? C'est dans le joli oeuf que Pâques nous a apporté que les autorisations de communion et de mariage ont été trouvées. Et maintenant dans les deux camps de jeunes filles quelle joie !

    Dans l'une comme dans l'autre toilette la simplicité donne la mesure du meilleur goût. Peu de variation dans la parure de communiante. Le champ est plus vaste pour le choix des costumes de malices, l'élégance qui n'a guère d'appui chez les premières est bien plus à l'aise pour produire ses inspirations clans l'arrangement des secondes. Elle fait des prodiges avec le satin, l'ottoman, les frissonnantes plumes blanches qui, aujourd'hui, tiennent le haut de l'échelle dans l'ordre des garnitures.

    D'ailleurs, pourrais-je mieux vous édifier, Mesdames, qu'en vous décrivant un de ces costumes :

    Devant de satin épais. Robe à grande traîne carrée, le bas drapé en baldaquins avec île superbes dentelles Malines, retenues par des fleurs d'oranger. Le corsage à col Médias et manches Henri II en dentelle avec garnirons en perles fines (imitations bien entendu). Ne la devinez-vous pas idéale, la petite mariée, parée de cette toilette, quand vous saurez surtout qu'elle est coiffée d'une petite couronne droite, genre marquise? La couronne peut toujours être faite de fleurs naturelles, mais la fleur d'oranger, si belle qu'elle soit, porte avec elle un parfum violent qui indispose par sa persistance. Le bouquet se monte presque pointu dans un cadre de dentelle fine. Comme tous les dessous, qui sont invariablement blancs, le cornet a été fait dans le satin blanc et a été éventaillé d'argent. Le jupon a été roulé dans une mousse de valenciennes.

    Pour assister au lunch, offert aux intimes de la famille, le soir du contrat, la jolie fiancée sera vétue d'une robe de crêpe lisse rose posée sur un dessous de soie et simplement ornée de rubans. Le rose est, dit-on, de même couleur que les rêves, les promesses de bonheur entrevues à l'aube du futur lien. Ne peut-on pas rompre un pareil usage me direz-vous, pour peu que vous n'adoptiez pas cette nuance fugitive que pâlit encore la lumière vive? Si vous devez la suppléer par le blanc crèpe, la mode actuelle n'en souffrira pas, certes, et moi qui ne suis pas superstitieuse, je pense que les songes faits pour l'avenir n'en seront pas d'un moins heureux présage.

    Mais, j’en reviens aux jeunes communiantes que j'ai cruellement laissées en une parure inachevée. Il est d'un constant usage — peu coûteux pour la bourse et qui rend l'enfant si joyeuse — c'est d'offrir à la communiante un souvenir. Il faut écarter les banalités; la bijouterie a imaginé des dizaines en or avec médaille ajourée formant les initiales de l'héroïne. Ce gracieux objet peut être longtemps conservé parce qu 'il sert de bracelet à la jeune fille devenue femme. Les bourselettes d'argent, les croix anciennes montées en épingles sont autant de présents de circonstance et qui ont chance de durée.

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